Contenu du La reliure et l'or

La reliure de chaque livre dépend de son possesseur qui la fait réaliser selon ses goûts et ses moyens. Jusqu'au XVIIIe siècle, le livre était un objet de prestige, les plus riches et plus importants personnages pouvaient faire relier leurs ouvrages de manière luxueuse avec de l'or utilisé sur le cuir, brodé sur des tissus raffinés ou encore peint sur les tranches.

La reliure d'orfèvrerie

Des trésors d'Église

Les riches sanctuaires possédaient des reliures exceptionnelles, exposées sur des pupitres ou des coussins dans les églises, ou défilant lors des processions. L'aspect extérieur des volumes confirmait aux fidèles la nature et l'importance du contenu. Bibles et livres liturgiques se paraient de reliures d'orfèvrerie, incrustées de pierreries et de perles, d'ivoires et de cristaux. Les mêmes techniques de travail du métal (sertissage, repoussé, filigranes) sont appliquées à la reliure.

On trouve souvent également sur ces livres d’exception des plaques d’ivoires. Sculptées dans des défenses d'éléphant ou de morse, elles sont insérées dans les plats des reliures. Généralement, le lien est étroit entre la nature des textes et le sujet sculpté dans l'ivoire. Ainsi, les deux temps forts de la liturgie chrétienne que sont la naissance et la résurrection du Christ ornent souvent les évangéliaires.

L'Évangile selon saint Marc en est un bel exemple. Classé au titre des Monuments Historiques, ce manuscrit est remarquable par la richesse des matériaux qui le composent : reliure faite de métal argenté et doré, plaque d’ivoire gothique et  pierres incrustées. Le plat d'orfévrerie et la plaque d'ivoire de ce manuscrit d’apparat datent du XIVe siècle. Il a appartenu au Chapitre d’Épinal, puis à la famille de Ludres, famille noble de la région.

Les reliures d’orfèvrerie disparurent au cours du XIVe siècle, laissant place aux reliures d’étoffes faites de soie, de brocart, de velours pour les reliures des manuscrits de luxe.

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La dorure sur cuir

Les techniques de dorure

La technique traditionnelle de la dorure apparaît au XVIe siècle. Dès lors, la technique de la dorure à chaud est utilisée pour la décoration du cuir : les livres, mais aussi les bagages, les étuis, les sous-mains, etc. Dans la reliure, la dorure intervient dans les étapes de finition, lorsque la reliure est terminée. 

On distingue habituellement deux techniques de dorure : la dorure non tracée et la dorure tracée.

La dorure non tracée

La dorure non tracée est le type de dorure le plus courant sur les reliures du XVIe au XVIIIe siècle. Elle est assez rapide à réaliser, mais ne permet pas toujours un positionnement précis du décor doré.
Le cuir à dorer est recouvert d'un apprêt à base de blanc d'œuf qui protège le cuir et joue le rôle de colle. Ensuite, le doreur recouvre d’une feuille d’or la zone à dorer, puis vient presser un fer préalablement chauffé. Le décor obtenu ne fait qu’un faible creux dans le cuir. L'or non fixé par l’apprêt est nettoyé à l’aide d’un carré de flanelle. Enfin, pour apporter de l’éclat à l’or, le doreur utilise un brunissoir ou une dent-de-loup pour polir la feuille.

La dorure tracée

Quant à la dorure tracée, elle est d’une exécution assez lente mais se prête bien à la réalisation précise de décors complexes.

Le doreur réalise d’abord une empreinte par pressions successives avec le fer chaud sur un cuir légèrement humidifié. Il obtient ainsi une empreinte très nette et relativement enfoncée dans le cuir. Le fond de cette empreinte est ensuite recouvert de l’apprêt, appliqué à l’aide d’un pinceau fin : il s’agit là d’une opération minutieuse et délicate dont dépend la qualité du résultat. Après séchage complet de l’apprêt, une feuille d’or est déposée sur l’empreinte, puis le doreur applique précisément son outil chauffé dans l’empreinte, à travers la feuille d’or. L’opération peut être renouvelée une ou deux fois jusqu’à l’obtention du résultat désiré. 

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Les tranches décorées

Les tranches dorées

Il est un élément de la reliure dont on parle assez peu : les tranches. Cette partie du livre est pourtant souvent décorée : tranches colorées, marbrées, et bien sûr dorées voire ciselées.

La dorure sur tranche existe depuis le XIIIe siècle mais elle ne se généralise qu’au XVIe siècle. Il pouvait y avoir dans les ateliers de reliure un ouvrier spécialisé dans la dorure des tranches plus communément appelé doreur sur tranches. 

Les opérations sur la tranche sont effectuées après la rognure et avant la tranchefile. Le livre à dorer est serré au niveau de la tranche dans une presse spéciale en bois dite presse allemande. La surface à dorer est préparée de façon à la rendre à la fois lisse et légèrement poreuse. La dorure pouvait se faire sur des tranches blanches, marbrées, antiquées, peintes ou damassées.

Une sous-couche à base de bol d’Arménie (terre fine argileuse) est appliquée pour rougir la tranche et donner à l’or une teinte plus soutenue (la feuille d’or présente une certaine transparence en raison de sa faible épaisseur). Une préparation très liquide à base de blanc d’œuf est étendue sur la tranche du livre, et les feuilles d’or, coupées aux bonnes dimensions, sont appliquées sur la tranche. Après un séchage complet, l’or a un aspect mat ; la brillance est obtenue par polissage à l’aide d’une pierre dure polie de la famille des agates.

Bien entendu, on ne pratiquait pas la dorure sur tranche sur tous les livres. Par économie, parfois, on ne dorait que la tranche de tête ou on utilisait des feuilles de faux or, c’est-à-dire de laiton. Cette dorure au cuivre, comme on l’appelle, a tout le brillant de l’or, mais la durée de ce luxe apparent est tout à fait éphémère à cause de sa rapide oxydation.

Les tranches dorées et ciselées

Certains livres, en plus de présenter une tranche dorée, se démarquent par un travail en relief : les tranches ciselées (ou antiquées).

La ciselure est une ornementation en creux sur les tranches dorées d’un volume, faite avec des poinçons en acier dont on marque l’empreinte avec un petit marteau de ciseleur. Elle se fait immédiatement après la dorure et avant de retirer le livre de la presse. Les tranches ciselées sont fréquentes pendant la Renaissance, en Allemagne au XVIIIe siècle, et en France au XIXe siècle notamment durant la période romantique.

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Les broderies

La dorure sur tissu

Comme pour la dorure sur cuir, le tissu à dorer est préparé au blanc d’œuf et au vinaigre. Cet apprêt est appliqué délicatement au moyen d’une éponge fine afin de ne pas altérer le tissu. Le doreur marque ensuite l’empreinte de son fer sur le tissu, puis il le met à chauffer. Il va ensuite graisser légèrement la surface et le pourtour de l’empreinte à l’aide d’un linge imprégné de suif. La feuille d’or est posée sur l’empreinte et le fer est pressé par-dessus.

La dorure sur velours présente quelques difficultés en raison de la peluche. De ce fait, le velours est préalablement gaufré en brûlant légèrement sa peluche, tout en l’aplatissant au moyen du fer à dorer chaud. En raison de la particularité du tissu, les motifs aux traits trop fins sont abandonnés au profit de motifs grossiers. De plus, pour ce tissu, la dorure se fait à l’or double (deux feuilles d’or superposées).

La reliure brodée

Les reliures brodées font leur apparition à partir du XIIIe siècle.

Les techniques de broderie sont liées au support textile : le satin, le taffetas, mais aussi la toile de lin ou de chanvre permettent la réalisation de broderies directes. En revanche, il est particulièrement difficile de broder sur du velours en raison de la peluche qui gêne la précision des points. Aussi trouve-t-on généralement sur ce matériau des broderies en couchure ou en application. 

Les matériaux utilisés pour le décor sont des fils métalliques - comportant de l’or ou de l’argent - ou des fils de soie. Les fils métalliques, fabriqués par le batteur d’or qui est généralement aussi tireur d’or, sont largement prédominants, souvent rehaussés de couleurs par des fils de soie. D’autres matériaux viennent parfois agrémenter les décors : perles de nacre ou de corail, des paillettes ou encore des paillons qui sont des motifs découpés dans de la feuille d'or ou d'argent représentant des fleurs, des libellules, des étoiles, etc.

Les reliures brodées font généralement référence au possesseur du livre ou au texte tout en suivant les modèles proposés par les ornementalistes tels les filets, entrelacs et rinceaux au XVIe siècle, ou les fleurs au naturel au XVIIe siècle. C’est à cette époque qu’apparaît une extrême liberté par rapport aux reliures de cuir.