Contenu du Le culte des saints en Lorraine

La Lorraine est, dans l'Histoire, une terre profondément catholique, où le culte des saintes et saints a tenu une très grande place pour les populations. Miracles, pélerinages, intercessions auprès de saints locaux ou communément célébrés, se sont multipliés pour apporter aux habitants le réconfort de la foi dans les tribulations qu'ils pouvaient éprouver.

Saints et païens

Les premiers temps chrétiens

Une Vierge noire, une pure jeune fille qui vient à bout du Warabouc ou encore Lucie, princesse d'Ecosse et servante incognito... Dans de nombreux endroits de Lorraine, le christianisme est venu recouvrir les traces de divinités plus anciennes, comme la petite statue de La Maix,  de légendes liées à des animaux fantastiques comme à Avioth et de superstitions liées à l'environnement, comme la roche dite « de sainte Lucie » à Sampigny qui favorise la conception des enfants si l'on s'assoit dessus (suivie par Anne d'Autriche en 1632 !).

Lorsque les prêtres et évêques du Haut Moyen Âge ne christianisaient pas les cultes précédents, ils établissaient eux-mêmes un réseau serré de cathédrales, d'églises, d'abbayes et d'ermitages où, bien souvent, après leur mort, un culte leur était rendu : saint Epvre, saint Livier, saint Mansuy, saint Arnoul, saint Romaric, saint Hydulphe, saint Airy... portent des noms fortement ancrés dans la géographie lorraine.

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Les images des saints

Des supports de dévotion

Dans les manuscrits religieux médiévaux, les saints et les saintes sont surtout cités dans les calendriers. C'est même ainsi que l'on parvient à deviner leur provenance, et parfois même leur datation. Les représentations les plus courantes sont celles des principaux saints de l'Eglise catholique : sainte Catherine, sainte Marguerite, sainte Barbe, sainte Agnès, ou encore saint Jean Baptiste, les quatre évangélistes, saint Augustin, saint Jérôme, saint Nicolas. C'est dans cette liste que sont aussi puisés en majorité les prénoms donnés aux enfants.

Au contraire des protestants qui, au XVIe siècle, ont dénoncé le culte des saints, trop entaché de superstition, les catholiques de l'époque moderne ont redoublé d'affection pour leurs saints, multipliant les pélerinages et les récits de guérison miraculeuse, toujours scientifiquement attestée. C'est afin de faciliter cette intercession que d'autres saints ont alors fait l'objet de représentations. Ainsi Jacques Callot livre 488 estampes rassemblées dans les Images de tous les saints, une suite datée de 1636, et inspirée du Flos sanctorum de l'Espagnol Pedro Ribadeneyra.

Plus populaire, l'imagerie gravée sur bois produit des centaines de planches consacrées aux saints, sous forme de grandes images à afficher, qui peuvent être un support de prière, comme une icône, ou de légendes détaillées en petits épisodes. En Lorraine, Epinal, Nancy, Metz et Jarville les diffusent.

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Saint et dragon

Survie d'une légende

Nous sommes à l'époque de l'empereur Néron et de l'apôtre Pierre. Chargé de persécuter les chrétiens, un sénateur romain, Clemens, se convertit devant leur foi, et devient un missionnaire au service de la propagation de l'Evangile. Il est chargé de la cité des Médiomatrices, Divodurum, au nord de l'Empire.

Clément arrive donc en vue de Metz-la-Romaine et commence à effectuer des prodiges propres à ébranler les rois païens. Justement, un terrible dragon, qui niche avec toute sa famille dans l'amphithéâtre, terrorise la prospère cité en réclamant un dû de jeunes filles. Clément, sur la demande du roi Orius, prononce une prière au sommet de la colline de Sainte-Croix (après avoir demandé à la foule de se taire), puis se rend à la rencontre du monstre volant et crachant du soufre. Clément passe son étole d'évêque au cou du dragon, et le mène jusqu'à la Seille, où le monstre qui craint l'eau est contraint de se jeter, suivi de ses sept petits Graoullys. Clément, le triomphe modeste, installe un premier oratoire dans l'amphithéâtre et se met à baptiser la foule reconnaissante.

Cette légende fondatrice de la cité de Metz a connu plusieurs rédactions, et un automate est porté lors des processions. Au milieu du XVIe siècle, Rabelais le décrit dans son Pantagruel :

Effigie ridicule et terrible aux petits enfants, ayant la tête plus grosse que le corps, avec larges, amples et horrifiques, mâchoires, bien endentées, tant en-dessus qu’au-dessous, lesquelles avec l’engin d’une petite corde, on faisait l’une contre l’autre, terrifiquement, cliqueter.

Aujourd'hui encore, le Graoully est un monstre familier des Messins, même si la dimension religieuse s'est amoindrie.