Contenu du La Villa Majorelle en détails

Les décors au pochoir

La Villa Majorelle a conservé une grande partie de sa décoration intérieure d’origine, due en particulier à la Maison Majorelle. Un des enjeux de la rénovation intérieure menée en 2019-2020 était de restaurer et de mettre en valeur ces éléments. Ce fut le cas des décors peints au pochoir du vestibule et des rampants de la cage d’escalier. Ces derniers, sur le thème de la monnaie du pape, ont révélé deux états : l’un d’origine suite à la construction, l’autre sûrement réalisé après la première guerre mondiale. Ces deux états sont très proches tant en terme de dessin que de technique, laissant penser qu’ils ont été réalisés à l’aide d’outils identiques ou similaires et par la même entreprise de décoration. Il est fort probable qu’il s’agisse de la société Majorelle puisque cette dernière précise, dans ses catalogues, pouvoir : « prendre une maison, une villa ou simplement une pièce, avec ses enduits de plâtre faits, et la rendre décorée et installée, boiseries, portes, tentures murales, meubles, literies, tapis, rideaux, vitraux, etc., etc., prête à être habitée ». La technique du pochoir est très appréciée à la fin du XIXe sicle et souvent employée pour la décoration murale, des manuels d’ornementation proposant des motifs pouvant être utilisés pour cet usage. C’était une des spécialités de l’entreprise familiale d’Henri Sauvage, l’architecte de la villa qui, sous l’appellation Jolly fils et Sauvage, proposait à Paris de la Décoration au pochoir sur toile de jute. Ici, les motifs sont peints sur un enduit de plâtre, ne proposant aucun relief mais au dessin élégant et ondoyant.

Les graffitti de chantier

Lors des travaux de rénovation intérieure menés en 2019, plusieurs graffiti ont été retrouvés sur les murs de la cage d’escalier et de la salle à manger, après le retrait des revêtements muraux qui se sont superposés au long des années. Dessinés sur le papier d’apprêt, ces graffiti réalisés au crayon ont sûrement été exécutés par les ouvriers et artisans travaillant à la décoration de la Villa Majorelle. Parfois il s’agit de simples mentions de chiffres mais il y a également des croquis préparatoires à des décors de cette maison.

Ainsi, un dessin propose un meuble rectangulaire à quatre portes et niches latérales qui s’avère très proche du meuble-bibliothèque que Louis Majorelle a conçu pour sa cage d’escalier. Un autre présente une esquisse rapide d’un double-rideau, détaillant aussi un motif décoratif. L’ensemble fait fortement penser à la tenture en velours orné d’une frise de monnaie du pape, séparant le vestibule et la cage d’escalier, visible sur une photographie ancienne de la villa. Ces croquis, exécutés sur le vif, sont un témoignage de la conception du décor et de l’aménagement réalisés sur place et adaptés à ces espaces.

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Le bois dans tous ses états

Maison d’ébéniste, la Villa Majorelle propose de nombreux éléments dans son décor intérieur réalisé en bois et conçu par la Maison Majorelle. Au rez-de-chaussée, les murs du vestibule, de la cage d’escalier et de la salle à manger sont couverts de boiseries en partie basse. La rampe d’escalier, les portes intérieures et les fenêtres sont exécutés dans cette matière. Une vue du hangar à bois de l’entreprise, datée des années 1920, témoigne de la diversité et de l’importance du stock d’essences conservées. La villa l’illustre également : si la rampe et les boiseries du vestibule et du dégagement du rez-de-chaussée sont en chêne avec un placage de padouk, celles de la salle à manger sont recouvertes d’un placage d’atapa, bois exotique assez rare, originaire de Guyanne ou d’Amazonie, alors que le mobilier est revêtu de bois serpent, provenant également d’Amérique du Sud. Avec le temps, ces éléments avaient perdu leur teinte d’origine, avaient foncé et avaient été couverts d’un vernis. Ce dernier s’était oxydé et rétracté, créant des effets assez laids, proche dune « peau de girafe », ne permettant plus de retrouver l’épiderme du bois. Une opération de nettoyage et de dévernissage a été réalisée en 2019 afin de rendre aux différentes essences leur aspect et leur couleur d’origine, rendant l’ambiance de la Villa Majorelle plus chaleureuse et plus lumineuse.

La rampe d'escalier

Louis Majorelle est l’auteur de plusieurs rampes d’escalier pour différents édifices Art nouveau, en France et à l’étranger. Dans ce domaine, il est surtout connu pour des éléments de ferronnerie tels la rampe d’escalier de la Villa Bergeret (1905), de l’Ambassade de France à Vienne (1908) ainsi que celle de l’escalier central du magasin des Galeries Lafayette à Paris (1912). Pour la Villa Majorelle, il conçoit une rampe en chêne qui dessert les deux étages, tout en ligne courbe, dans un mouvement ondoyant et continu. Cette impression est confortée par les balustres en torsion et le départ en retrait des premières marches. Un décor sculpté de feuilles et de tiges de lierre s’accroche aux premiers montants pour disparaître par la suite, seul élément naturaliste de cette rampe. Les montants torsadés du meuble-bibliothèque placé face à l’escalier rappellent la forme des balustres, illustrant la recherche d’unité entre l’aménagement intérieur et le mobilier, principe défendu par l’École de Nancy. La restauration effectuée en 2019 permet de mettre en valeur le travail de sculpture de cette rampe, témoignage du savoir-faire et de la maîtrise technique à laquelle la Maison Majorelle avait abouti après 1900.

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Les plaques de propreté

En 1890, Louis Majorelle crée, au sein de l’entreprise familiale, un atelier consacré au travail du métal (fer, bronze, serrurerie). Si ce dernier était destiné, au départ, à la réalisation de poignées, d’entrées de serrure… pour le mobilier ; il va, par la suite, être employé pour élaborer des objets et des éléments indépendants. L’artiste-décorateur va concevoir des montures en métal pour des lampes, en collaboration avec la manufacture Daum, mais il va aussi créer des plaques de propreté. Celles-ci ont, au départ, une vocation utilitaire et pratique : celle de protéger la porte autour de la poignée mais elles vont aussi avoir un rôle décoratif.

À la Villa Majorelle, elles sont toutes identiques : en bronze ciselé et sont ornées de fleurs d’ombellifères en partie haute et de feuilles en partie basse. Les motifs sont découpés dans le métal qui se détache parfaitement du bois peint ou au naturel. Les ombellifères sont une des plantes emblématiques de l’École de Nancy que Louis Majorelle a décliné sur des pièces de mobilier mais celle-ci est absente de la décoration intérieure de sa demeure. Les poignées s’avèrent assez élégantes, formées par une ligne double courbe, tout en restant facilement manipulable. Ces éléments de serrurerie ne sont présents qu’au rez-de-chaussée, dans les pièces de réception, alors qu’au premier étage, dédié uniquement à la vie familiale, elles ont été remplacées par de modestes plaques avec des poignées simples.

Jouer avec la lumière

La Villa Majorelle possède de nombreux vitraux présents dans les pièces de réception, la cage d’escalier et sur le palier du premier étage. À l’exception de celui du salon détruit lors de la première guerre mondiale, ils sont tous l’œuvre de Jacques Gruber, peintre-verrier, membre de l’École de Nancy et auteur des principales verrières des édifices Art nouveau de Nancy. Le vitrail principal de la cage d’escalier à décor de monnaie du pape est unique par sa lentille central en verre transparent : elle permettait de voir et de contempler le vaste jardin entourant la maison, faisant le lien entre intérieur et extérieur. Cette verrière est dominée par un camaïeu de tonalités roses et oranges. Des verres imprimés chenillés opalescents blancs ont été employés pour définir les motifs de monnaie du pape, alors que les tiges de cette fleur sont réalisées à l’aide de verres américains bleu et rouge. Les autres motifs sont également en verre imprimé chenillé mais translucide. Cette combinaison de différents verres permet de faire jouer la lumière ; situés dans la montée, ces derniers vont donner l’impression d’ondoyer lorsqu’on emprunte l’escalier. Cette grande verrière témoigne de la maîtrise de Jacques Gruber qui sait associer la structure métallique et le réseau de plomb à la composition d’ensemble. La restauration menée en 2019 a permis de nettoyer, consolider et redonner tout son éclat à ce vitrail unique.

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Un décor révélé : les peintures de la salle à manger

Les frises à décor d’animaux de basse-cour, de légumes et de fruits de la salle à manger ont été réalisées par Francis Jourdain, jeune artiste parisien, fils du critique d’art, défenseur des avant-gardes, Frantz Jourdain. Elles créent une transition douce vers le plafond, soulignée par leur support concave, les formes curvilignes étant également présentes dans les portes ou l’étonnante cheminée centrale d’Alexandre Bigot. Le sujet abordé est assez classique pour une salle à manger et rappelle la destination de cette pièce : la composition reste cependant assez originale, proposant de nombreux détails réalistes. Avec le temps, ces peintures s’étaient beaucoup assombries : le fond légèrement doré et les couleurs vives avaient été recouvertes d’un voile foncé.

La restauration effectuée en 2019 a permis de rendre plus lisible la composition, de restituer les variations de couleur et d’améliorer certains détails, tout en conservant la matité voulue de ces peintures. Les deux panneaux, côté fumoir, avaient été très abîmés et ont fait l’objet d’une intervention plus complexe. Ils présentent une technique légèrement différente des autres et une composition plus proche de celle des vitraux de Jacques Gruber, situés à proximité. Ces différences incitent à penser que ces deux peintures ne sont pas l’œuvre de Francis Jourdain et ont pu être réalisées suite au bombardement de 1916, ou lors d’un autre dommage subi par la villa.