Prendre l’habit de chanoinesse à Épinal n’est pas donné à tout le monde. Au XIIIe siècle, date de sécularisation des religieuses, différents critères très sélectifs sont établis. 

Naturellement, la postulante doit être de religion catholique, apostolique et romaine. Elle doit être en bonne santé, de bonne réputation et née d’un mariage légitime. Mais surtout, la future chanoinesse doit être issue de noble famille. Afin d’appuyer sa candidature, elle doit présenter un dossier constitué de divers documents authentiques, parmi lesquels un arbre généalogique. Ces documents sont vérifiés par la chanoinesse qui présente la postulante, appelées respectivement dame tante et dame nièce.

Concernant l’âge d’entrée, si l’on peut recevoir de toutes petites au chapitre, à l’exemple de Claude de Cussigny arrivée à l’âge de seulement deux ans en 1571, elles ne peuvent être nommées chanoinesses avant l’âge de sept ans. 

La nomination d’une demoiselle au chapitre donne lieu à une cérémonie appelée apprébendement. Vêtues de leur tenue de chœur, les chanoinesses se rendent chez la dame tante, puis partent ensemble chercher la jeune fille pour la mener à l’église. On inscrit sur le registre du chapitre le nom de la nouvelle dame, ainsi que celui de ses parents, de sa dame tante, et des chanoinesses ayant assisté à la cérémonie. Les preuves de noblesse sont enregistrées sur un registre particulier. Le lendemain les chanoinesses vont de nouveau chez la dame tante chercher la dame nièce et la conduise à l’église où elle assistera à la messe en habit de chanoinesse pour la première fois.

Contenu du Devenir chanoinesse
Contenu du Devenir chanoinesse

Lorsqu’une dame entre au chapitre, elle ne renonce pas pour autant à l’amour conjugal et la vie de famille. Les chanoinesses sont libres de remercier le chapitre, c’est-à-dire de le quitter, pour se marier. D’ailleurs le statut privilégié de chanoinesse est convoité par les familles nobles qui y voient une place de choix pour leur descendance. 

En effet, bien que religieuses, les chanoinesses gardent un train de vie mondain et reçoivent un revenu confortable appelé la prébende. Lorsqu’une prébende est laissée vacante par le départ ou le décès d’une chanoinesse, une nouvelle chanoinesse est nommée et reçoit son revenu.

Ainsi, par les nombreux attraits qu’offre le chapitre, de nombreuses dynasties de chanoinesses se forment, à l’image de la lignée des dames autour de Marie Gabrielle Ursule Jacobée de Schauenbourg qui a la particularité d’avoir été fille puis mère de chanoinesse d’Épinal. En effet, en 1738, sa mère Marie Anne Claire Béatrix Ursule von Zu Rhein-Dornach prend l’habit de chanoinesse. Elle le raccroche deux ans plus tard pour épouser le baron de Schauenbourg et donner naissance en 1743 à une fille, Marie Gabrielle. C’est à l’âge de trois ans que la petite prend la suite de sa mère au chapitre (voir arbre ci-contre), entre 1746 et 1759, date à laquelle elle épouse le baron von Reischach. Enfin, la fille de Marie Gabrielle, Marie Anne Beatrix von Reischach, entrera dans les ordres entre 1789 et 1791, date de dissolution du chapitre.