Nancy et son tramway : une histoire en plusieurs chapitres
Les transports urbains de Nancy, sur rails ou sur pneus, en 3 étapes
Au début des années 50, le tramway de Nancy roule déjà depuis 75 ans. Après 25 ans de traction animale et 50 ans de traction électrique, il est temps pour beaucoup de nancéiens de tourner la page.
La fin des tramways : Nancy s’ouvre à la circulation automobile
Le tramway du réseau urbain et suburbain de Nancy participe à la vie des nancéiens pendant plus de 80 ans. Il fait partie du grand réseau de transports en commun d’intérêt public permettant de se déplacer à faible coût aux quatre points cardinaux de la cité ducale et de sa grande périphérie.
Les motrices sortent par tous les temps. Elles sont pilotées par le wattman, accompagné du receveur, chargé de contrôler les voyageurs installés sur les plates formes. On achète les tickets directement aux kiosques du réseau, situés en différent points de la ville. Les tickets de première ou seconde classe sont vendus au tarif normal ou au tarif réduit pour les mutilés de guerre, les détenteurs d'une carte d'invalidité ou d'une carte de réduction familles nombreuses. Dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la CGFT adopte, tout comme la RATP, un système de tickets vendus au détail ou en carnet. Les kiosques sont aussi des lieux d’échanges pour les voyageurs. Ils permettent de patienter le temps d'une correspondance, de s'asseoir, de s’informer, et parfois même d'acheter son journal : le kiosque de la place Carnot reste aujourd’hui l’unique témoin de ce passé glorieux.
Dans les années 50, le réseau compte 9 lignes urbaines et suburbaines avec des points d’arrêt fixes. Les deux lignes principales, la 1 et la 3, sont à double voie. Elles sont très fréquentées. Elles se croisent au Point Central, entre la rue Saint-Jean et la rue saint-Dizier. Le Point Central constitue le cœur du réseau, permettant aux nancéiens de se déplacer facilement et d’accéder aux principaux commerces du centre-ville.
Mais le tram a subi le passage du temps, tout particulièrement les affres de la Seconde Guerre Mondiale, et doit compter sur l’arrivée de la voiture et de l’autobus qui deviennent rapidement des concurrents sérieux. Certes, il bénéficie d’un regain d’intérêt pendant la guerre, puisqu’il devient l’unique moyen de transport à Nancy intramuros avec la bicyclette. Mais le tramway bondé aux heures de pointe, mal entretenu et usé faute de pièces, circule avec difficulté. On lui reproche aussi son manque de puissance quand il doit aborder, en hiver, la colline de Boudonville.
Le tram entame sa dernière ligne droite, on ferme progressivement des lignes qui sont remplacées par des autobus : les fameux bus bleu ciel et gris, aux couleurs de la Lorraine. Le 2 décembre 1958, la ligne 3, qui passe par la rue Saint-Jean, est définitivement fermée. Tout le réseau des transports publics se fait ensuite par bus. On extirpe du sol les rails devenus inutiles, et on démonte le réseau aérien des fils électriques, qui réapparaissent pourtant en 1982 pour l’alimentation des trolleybus.
Le trolleybus articulé bimode : une première en France en 1982
Dans les année 70, marquées par la politique du « tout-auto » de Georges Pompidou, l’agglomération nancéienne fait face à un engorgement de la circulation automobile. Depuis la suppression du tramway en 1958, le réseau d’autobus standard a pris le relais, mais il est boudé et devient au fil des ans inefficace et obsolète. À la fin des années 70, il est urgent de sortir de l’impasse.
En 1978, Claude Coulais, alors maire de Nancy et président du District urbain de Nancy, forme un groupe de réflexion afin d’améliorer les transports en commun. Après un examen approfondi, le choix du trolleybus articulé bimode sur pneumatique, réputé pour être écologique, confortable et performant, est retenu, au détriment du tramway sur fer. On choisit un trolleybus de conception entièrement française, doté d’une traction électrique Alsthom (Alstom) et d’un moteur thermique de la même puissance. Le moteur électrique est alimenté via une perche par des fils aériens approvisionnés en courant continu par douze sous-stations. Le moteur thermique, quant à lui, confère au trolleybus une autonomie sur les itinéraires non équipés de lignes aériennes, et lui permet de faire face à des pannes sur le réseau d'alimentation. Après des travaux de voirie et des infrastructures électriques importants, ainsi que la mise en place du mobilier urbain aux arrêts principaux, la ligne 19 est inaugurée le 25 novembre 1982. Elle relie l’Ile-de-Corse au Champ-le-Bœuf. S’ensuit assez rapidement la ligne 4, entre Brabois et le quartier Beauregard puis la ligne 3, entre Essey et Laxou.
Le réseau des trolleybus est géré par la CGFTE (Compagnie Générale Française des Transports et d'Entreprises). Pour la fluidité de la circulation, il est subordonné à un système de gestion centralisé du trafic routier automatisé, qui permet de donner la priorité aux trolleybus, évitant ainsi les retards et les embouteillages au centre-ville. Le projet s’accompagne d’un réaménagement du plan de circulation du centre-ville avec des couloirs réservés aux trolleybus, la piétonisation de la rue Saint-Jean et la déviation des voitures hors du centre avec notamment le creusement d’un souterrain rue Charles III. En 1983, on compte 3 lignes électrifiées équipées de 48 trolleybus articulés, les autres lignes sont desservies par 124 autobus standards et 12 autobus articulés en attendant d’étendre le réseau dans les années 90 à 4 lignes électrifiées supplémentaires. Toutefois lors des élections municipales de 1983 le projet est retoqué, les 4 lignes supplémentaires prévues initialement seront finalement desservies par des bus articulés thermiques.
Au milieu des années 90, les trolleybus sont dans un état vétuste et tombent régulièrement en panne. Pour assurer le service, on les remplace par des trolleybus thermiques. Certaines lignes sont saturées et des travaux de voirie et de maintenance des bifilaires immobilisent régulièrement les trolleybus. En 1999, ils sont retirés de la circulation. Le projet d’un tramway en voirie réservée (TVR) est lancé. C’est le début d’une nouvelle aventure.
Le tramway Bombardier à Nancy
En 2000, Nancy choisit pour son nouveau moyen de transport collectif un tramway sur pneumatiques. Ce tramway utilise la technique du transport sur voie réservée (TVR), et il est développé par la société canadienne Bombardier Transport, spécialisée dans le ferroviaire. Le tramway est à guidage mécanique par rail central encastré dans la chaussée sur lequel reposent deux galets de guidage par essieu. Il est aussi bimode : il embarque un moteur électrique de 300 KW et un moteur thermique diesel de 200 KW. Le moteur thermique permet au tramway, grâce aux galets qui sont escamotables, de quitter son rail de guidage pour se conduire comme un trolleybus. Le conducteur reprend la main sur la direction. Très utile pour quitter la voie en cas d’incident, impératif pour des raisons techniques, pour accéder au plateau de Brabois ou pour rejoindre tout simplement le dépôt Marcel Brot à Nancy. Les moteurs électriques sont alimentés par un système de perches et câbles d’alimentation suspendus. C’est pourquoi la ville a réutilisé les anciennes installations électriques utilisées, 20 ans plus tôt, par le trolleybus articulé.
Malgré sa haute technicité, le tramway montre, dès le début de sa mise en service le 8 décembre 2000, des signes de faiblesse peu rassurants : les sorties de rails sont fréquentes, en raison de la pression énorme des galets sur les rails qui s'usent prématurément, sans parler des rails qui se dilatent en période de forte chaleur. Après 10 ans de service il donne déjà l'impression d'être en bout de course. Toutefois, si le tramway est très critiqué pour son manque de fiabilité, il est aussi très apprécié par les Nancéiens. Certes il est particulièrement bruyant, mais on l'entend au moins ! Long de 24 mètres, il peut accueillir sur la ligne 1 qui relie Essey à Brabois jusqu’à 178 voyageurs. Il peut atteindre une vitesse maximale de 70 km/h et sa fréquentation dépasse les 45 000 voyageurs pendant les jours de pointe, à tel point que le réseau est incapable d’assurer la charge aux heures de grande affluence. Il faut parfois laisser passer une ou deux rames pleines avant de pouvoir monter à bord.
C'est la preuve que les besoins en matière de transport en commun sont immenses. Mais la communauté urbaine du Grand Nancy renonce à l’extension du réseau. Sur la ligne 2, à la place du TVR, sont mis en exploitation en 2013 des bus à haut niveau de service. Puis, en 2016, la Métropole du Grand Nancy annonce l’arrêt du TVR à l’horizon de 2022. En définitive, il cesse officiellement de rouler le 12 mars 2023. La Métropole du Grand Nancy, après avoir envisagé un tramway sur fer, a finalement choisi pour 2025 la mise en service d’un trolleybus articulé électrique moins onéreux.