Contenu du Dessiner la ville

La ville se dresse, seule, dans la campagne environnante. Elle est entourée d'un cours d'eau dont une partie est déviée, et close d'une muraille. Au contraire de la campagne vue à plat, la ville est vue en perspective, en « portrait ». Il faut qu'on y puisse reconnaître les principaux éléments de défense : portes, tours, ainsi que les édifices remarquables : églises, beffroi, places principales.

Sur cette vue de Thionville pendant le siège de 1558, due au graveur lorrain Nicolas Béatrizet (1515-1570), on voit surtout une ville en armes, ses canons installés au sommet des tours, les compagnies de soldats au guet dans toutes les rues. Les habitants semblent l'avoir désertée, effrayés sans doute par l'ampleur de l'artillerie et des piquiers prêts à l'investir de toute part. Ce qui compte ici, c'est l'idée de Thionville assiégée plus que la réalité topographique : une main bien postérieure fait allusion au siège de 1643, qui s'est donc déroulé près d'un siècle après la réalisation de l'estampe (« Le 10 Aout / Cette ville fut prise après Rocroy et plusieurs autres par Monsr le duc Danguin [d'Enghien] l'année 1643 pendant la minorité du roi Louis 14 après 4 mois de siège »).

Le célèbre plan de Nancy de 1611 conserve quelques coquetteries passées, comme la vue en perspective des édifices et des maisons. Cependant, le dessin du plan de la ville-vieille et de la ville-neuve voulue par Charles III obéit aux règles du lever de plan, une technique d'ingénieur plus courante en Italie. Le plan, au plus précis (« au vif comme elle est », indique le titre français), est à présent un signe de modernité et de maîtrise de la ville. Ses bâtiments, ses rues et ruelles, ne sont plus seulement connus arpent après arpent par les collecteurs de taxes : on peut aussi les embrasser de manière fiable sur une seule image, ordonnée par le pouvoir ducal.

 

Celui-ci est aussi à l'origine de la ville (neuve) : c'est sa volonté qui a fait adopter ce plan orthogonal curieusement dévié. Doté d'une légende, le plan veut rendre clairs à la fois les réalisations et les projets de Charles III, en commençant par le tracé d'une Primatiale (no 1) dans laquelle il aimerait dès lors voir une cathédrale, comme dans toute capitale ducale qui se respecte. Le plan dressé par La Ruelle et imprimé par Brentel est utilisé avec peu ou pas du tout de modifications jusqu'au xviiie siècle pour figurer la ville et rendre compte de son développement.

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Plan partiel, métré, totalement symbolique, où le choix des couleurs, des lignes et des pictogrammes répond à une norme technique, à des métiers qui sont ceux des géomètres arpenteurs, ingénieurs des ponts et chaussées, architectes, le plan du xviiie siècle est utilitaire. D'une évocation directe du pouvoir qui l'a fait lever et de la traduction de ce pouvoir dans l'espace, on est passé à un outil de travail et d'aide à la décision. Les scénarios de changements urbains de Metz au milieu du siècle sont donnés à voir dans leurs masses et la modification nécessaire des voies de circulation : percement de rues, création de la place d'Armes, réfection et prolongement des quais. Une échelle permet de contrôler et amender les aménagements. Le plan est coté, deux fois (A53 et K3), car il s'insère dans des dossiers d'urbanisme puis d'archives tenus par la puissance publique. À partir de ce qui est un dessin technique, on peut commander et dresser des devis, ordonner des travaux et contrôler sur place leur réalisation.