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L'étudiant

Mathieu-Prosper Morey naît le 27 décembre 1805 à Nancy dans une famille de plâtriers installée rue des Quatre-Églises. On ne connaît rien de son enfance ni de son adolescence : peut-être a-t-il suivi un apprentissage dans un métier du bâtiment qui aurait révélé un talent de dessinateur, ou bien les cours de dessin d’une école locale. Néanmoins son crayon devait être suffisamment prometteur pour qu’il envisage une carrière d’architecte et entreprenne de se former à Paris.


L’enseignement de l’architecture s’apparente alors encore à une mise en apprentissage : les architectes renommés accueillent et forment les élèves dans leur atelier. Cependant la création de l’École des Beaux-Arts en 1819 change la donne : désormais, une succession de concours sanctionnera les carrières et ouvrira des voies royales aux meilleurs produits du système.
Morey entre chez Achille Leclère (1785-1853), ancien élève de Percier, le fameux architecte et décorateur de Napoléon. Grand Prix de Rome en 1808, Leclère est auréolé des connaissances acquises auprès de son maître et lors de son séjour romain. Le maître est alors à l’apogée de sa carrière : à la tête d’un atelier où se presse une foule d’étudiants, il est chargé de dessiner le nouveau faubourg Poissonnière à Paris. Bientôt élu à l’Académie des Beaux-Arts, puis nommé au Conseil des Bâtiments civils, il offre à Prosper Morey, l’un de ses élèves les plus remarquables, un constant appui pendant son séjour à Rome et dans les débuts de sa carrière. C’est chez lui que Morey rencontre pour la première fois un jeune excentrique, Eugène Viollet-le-Duc.

Les Beaux-Arts

Fondée en 1819, l’École des Beaux-Arts est déjà considérée quelques années plus tard comme un parangon du classicisme impropre à préparer les jeunes architectes aux réalités techniques et économiques de leur profession. Le jeune Morey y remplit cependant scrupuleusement ses obligations afin de décrocher la distinction suprême : le Premier grand prix d’architecture.
Le passage par l’École des Beaux-Arts n’est pas obligatoire pour devenir architecte. Elle ne délivre d’ailleurs aucun diplôme et pendant longtemps encore, il suffit de payer une patente, c’est-à-dire d’ouvrir un cabinet commercial, pour entrer dans la profession. C’est pourquoi on compte encore au XIXe siècle des autodidactes comme Eugène Viollet-le-Duc.
L’École des Beaux-Arts ouvre la voie royale de l’architecture, en permettant d’obtenir les commandes de l’État et de faire une carrière académique. Elle accueille les élèves des trois arts majeurs : architecture, peinture et sculpture. Théoriquement autonome, elle se trouve de fait sous l’autorité de l’Académie des Beaux-Arts, dont la plupart des professeurs sont membres ou aspirent à le devenir. Son secrétaire perpétuel, Antoine-Chrysostome Quatremère de Quincy (1755-1849), y imprime une marque écrasante et beaucoup reprochée : l’affirmation du primat de l’art antique sur toutes les autres formes d’art, et du dessin sur toutes les autres techniques.


Les élèves architectes suivent cinq cours : théorie de l’architecture, histoire de l’architecture, construction, perspective et mathématiques. Ils passent cependant le plus clair de leur temps en atelier à préparer les concours sanctionnant le passage dans l’année supérieure, en dessinant, dessinant, dessinant encore des bâtiments dont la composition et l’esthétique sont soumises à une forme de rigidité (symétrie notamment) qu’on attribue au modèle antique.
Morey réalise ainsi pour le concours de première année un dessin d’une maison de Baldassare Peruzzi, un architecte italien du XVIe siècle, qu’il n’a jamais vue ! On fait aussi imaginer à sa promotion un Château d’eau puis un Palais archiépiscopal inspirés de l’antique, avant le fameux Établissement d’eaux thermales (1831) qui conduira son inventeur à Rome.

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