Contenu du Un Romain aux racines de la viticulture

L’agronome, l’agriculture et la vigne

Il s’appelait Lucius Junius Moderatus Columella. En français, Columelle. Son nom peut faire penser à celui d’un champignon. Mais si les connaissances de ce savant touchaient bien à tout ce qui sortait de terre, c’est surtout à la vigne qu’il consacra ses compétences d’agronome. Pour notre plus grand bonheur, puisque le développement de la viticulture en Occident doit beaucoup aux Romains.

Né en l’an 4 à Gadès (l’actuelle Cadix en Espagne), Columelle est considéré aujourd’hui comme l’un des fondateurs de l’agronomie. On sait l’importance de l’agriculture chez les Romains. Avant lui, Caton l’Ancien, Varron, et bien d’autres encore, avaient consacré d’importants écrits aux travaux des champs.

Le traité de Columelle, appelé communément Res rustica ou De Re rustica (De l’agriculture), comprend douze livres. Il  est à la fois une synthèse des connaissances de son époque et un manuel pratique, destiné davantage aux gestionnaires de domaines agricoles qu’aux petits paysans. Comme auteur, Columelle fit avant tout œuvre d’intérêt public en prodiguant sa science et son expérience concrète des techniques agricoles.

Trois livres du Res rustica sont consacrés à la vigne. C’est dire l’importance du sujet, sur lequel Columelle reviendra dans un ouvrage distinct, De arboribus (Les arbres). La vigne constitue plus de la moitié de ce petit traité d’arboriculture, le reste étant consacré aux arbres fruitiers, ainsi qu’à d’autres plantes et fleurs. La vigne se trouve donc bien au centre de son œuvre, comme elle était une des cultures centrales de la Méditerranée antique. Elle méritait donc une attention particulière, une recherche des meilleures techniques de culture, un soin constant dans l’entretien dont elle était l’objet.

La vigne, objet d’observation, d’attention et de soin

Columelle s’attache d’abord à définir la vigne parmi les autres végétaux : « D’un plant vient soit un arbre, comme l’olivier, le figuier, le poirier, soit un arbrisseau, comme la giroflée, la rose, le roseau, soit un troisième genre, à proprement parler ni arbre ni arbrisseau, comme la vigne (tertium quiddam quod neque arborem neque fruticem proprie dixerimus, sicuti est vitis) » (De arboribus, I,2). D’emblée, il distingue la vigne des autres plantes et note que « sur toutes les autres souches, nous [lui] accordons justement la préférence, en raison non seulement de la suavité de son fruit, mais encore de la facilité avec laquelle […] elle récompense le soin des mortels ».

Mais plus que les développements théoriques, c’est l’approche pratique qui intéresse Columelle. Il passe en revue les différents types de sols et les climats qui conviennent à la vigne. Il met l’accent sur ses qualités d’adaptation, qui lui permettent de se développer et de prospérer dans des terrains variés. Il décrit les propriétés des différents cépages, donne des indications sur le choix des plants et des sols, sur la manière de planter, sur les soins à apporter.
Il produit ainsi un véritable mode d’emploi pour la création d’une pépinière de vignes, clef du développement de tout vignoble. Son sens de l’observation est particulièrement aiguisé : il comprend que l’environnement (le sol, l’exposition, les conditions climatiques) joue un rôle capital non seulement dans la croissance et la vitalité de la vigne, mais encore dans la qualité de la vendange.

Columelle avait une pratique personnelle de viticulteur et de pépiniériste. Ses connaissances sont donc fondées sur une expérience solide et régulière. Dans son introduction au Livre III des œuvres de Columelle, Jean Christian Dumont précise que « des études comparatives […] montrent qu’une expérience de presque deux millénaires a reconnu la validité d’une bonne partie de l’enseignement de Columelle ».
Une belle fortune pour cet agronome, dont le nom mériterait bien un cépage!


Sources:

Columelle, De l’agriculture, livre III, édition bilingue traduite et commentée par Jean-Christian Dumont, Belles Lettres, 1993
Columelle, Les arbres, édition bilingue traduite et commentée par Raoul Goujard, Belles Lettres, 1986

 

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