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Jadis dans les vignes messines

Au fil des mois

Préparer la vigne

Dès la fin du mois d’octobre, le vigneron retire les échalas et les place en faisceaux en attendant de les retailler. La vigne est taillée à son tour à la fin de l’hiver avec une serpotte pour limiter les yeux et éliminer les rameaux.

En mars et en avril commence le travail de la terre : une bêche ou une houe permet de labourer jusqu’à 20 cm afin de bien dégager le pied de vigne. Il faut aussi biner la terre afin de l’aérer et supprimer les mauvaises herbes. C’est le rôle de la râclotte.

A Pâques, les échalas sont fichés en terre. Les sarments y sont attachés par les femmes, et surtout les enfants, dont la petite taille facilite l’accès aux sarments bas. Orientés vers le nord et isolés du sol, les ceps de vigne sont ainsi mieux protégés du gel.

Les greffes sont méconnues mais l’on pratique aisément la technique du marcottage de la vigne, aussi appelée provignage : une branche couchée en terre tous les 8 à 10 cm donne naissance à une nouvelle pousse qui remplace les ceps anciens et malades. Les engrais sont quant à eux assez mal utilisés : on met beaucoup trop de fumier. On verse également des mélanges des plus étranges à base de rognures d’ongles et de râpures de corne…

 

En mai après la floraison se pratique le châtrage ou l’ébourgeonnage : les bourgeons surnuméraires sont éliminés afin d’obtenir plus de fruits. Cette opération minutieuse est réservée aux femmes... 

Fin mai début juin, un deuxième binage permet de retirer les mauvaises herbes. Au début de l’été, on supprime de nouveaux bourgeons, vrilles et feuilles de la vigne. En juillet les nouvelles pousses sont liées aux échalas. Un troisième binage est pratiqué. Et enfin en septembre, c’est le dernier labour et le dernier binage avant les vendanges.

 

Le temps des vendanges

Fin septembre début octobre, la maturité du raisin est contrôlée puis les échevins proclament le « ban des vendanges » : l’accès aux vignes est interdit. C’est le temps de la « vandôme ». Le déroulement des vendanges suit un calendrier préétabli afin d’éviter toute bousculade et l’on peut enfin faire appel aux vendangeurs et vendangeuses, ouvriers et journaliers.

Une fois les équipes constituées, les vendanges peuvent débuter. Les coupeurs détachent les grappes à l’aide d’une serpe et les placent dans des paniers larges, les chévans. Les videurs de paniers versent les grappes dans des hottes cerclées de fer et munies de bretelles, les sépins ou tandelins. Les femmes utilisent des hottes plus légères en osier. Les porteurs versent ensuite leurs grappes dans des cuves en bois cerclées de fer, placées sur des charrettes qui se rendent vers les cuveries et les pressoirs.

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Le temps du vin

A la cuverie : des techniques professionnelles

Les cuves à fermentation (45 à 50 hl) reçoivent les grains de raisin qui y sont foulés pieds nus. Le raisin peut aussi être écrasé avec des pilons, des pelles en bois et entre deux rouleaux de chêne actionnés à l’aide d’une manivelle. Ces cuves sont munies d’un gros bouchon de bois ou de liège et la maie, couvercle constitué de planches, est maintenue enfoncée dans le moût.

Une fois la fermentation terminée, le vigneron enfonce une hanche dans la cuve : il la choisit  en bois pour un conduit simple et en cuivre s’il choisit un robinet. Le vin s’en écoule jusque dans une cuvelle où on le puise à l’aide de hottes en sapin que l’on vide dans des tonneaux (10-15 hottes = 400-600 l) et dans des foudres (50-100 hottes = 20-40 hl).

Le moût obtenu est placé dans des pressoirs. Il en existe deux types : les anciens pressoirs à bascule ou pressoirs à arbre (époque romaine)  et les pressoirs à coffre ou à vis centrale (fin XVIIIe). Le pressoir à arbre fait 12 à 15 mètres de long et pèse 10 tonnes. Le moût y est pressé 4 à 8 fois entre 12 et 24 heures. Le pressoir à vis centrale, moins grand, moins coûteux et moins complexe, permet de faire directement pression sur la maie grâce à une barre déplacée par deux hommes. Le moût est pressé 2 à 3 fois, et moins longtemps.
 


Le soutirage de printemps est une opération qui consiste à séparer le vin clair de ses lies et dépôts au fond de la barrique. Une décantation s’effectue en le transvasant d’un récipient à un autre (fûts, cuves). Les vins gris et clairets sont rapidement mis en bouteille pour interrompre le processus de fermentation. Les vins rouges le sont un an après la mise en tonneau. Mais la conservation en fût peut se faire jusqu’à 5 à 6 ans.

 

Améliorer un mauvais vin : des procédés douteux

Certains procédés douteux permettent d’améliorer le vin, comme le sucrage : le sucre ajouté au moment de la mise en tonneau et dissous dans du moût augmente le degré d’alcool. Des vins malades peuvent être troubles et il suffit d’ajouter des blancs d’œufs ou du sang de bœuf dans le vin rouge et de la colle de poisson dans le vin blanc. Ce dernier peut aussi être huileux : et là, colle de poisson, blanc d’œuf et tartre fouetté en écume sont la solution pour clarifier le breuvage … De nombreuses recettes parviennent à modifier la couleur, supprimer le goût de moisi, de vin gâté, l’amertume et le goût du fût. Ils sont admis et utilisés par tous…

D’autres sont parfaitement illégaux, comme l’ajout d’eau dans le vin. On trouve des vins coupés, rougis, des mélanges de vins de couleur différentes, des colorations au jus de « seurot ». Certains changent les rouges en blancs, et inversement. D’autres parviennent même à faire des vins vieux avec des vins nouveaux. La recette est digne d’un grimoire de sorcière : “dans un linge blanc, placez une once de mélilot, trois onces d’aloès hépatique, trois onces de bois de réglisse et trois onces de Nat-celtique pilé. Suspendez cette bourse garnie dans le tonneau durant 9 jours et vous obtiendrez un beau vin de 5 ans d’âge…”.

 

Source :

Barthel, Jocelyne, Vignerons, vigne et vin en pays messin, Metz, Ed Serpenoise, 1990.