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- Un lien de longue date avec la Lorraine
- En mémoire du roi Stanislas
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- Insurrection et exil
- Un groupe d'émigrés venus de Lituanie
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- Une communauté se forme
- Des exilés qui s'installent
Histoire
L'accueil des insurgés polonais à Nancy en 1833
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- Un lien de longue date avec la Lorraine
- En mémoire du roi Stanislas
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- Insurrection et exil
- Un groupe d'émigrés venus de Lituanie
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- Une communauté se forme
- Des exilés qui s'installent
Une page d'histoire totalement oubliée se révèle. Au début de l'année 1833, Nancy accueille plusieurs familles d'officiers polonais, qui fuient la répression du tsar. Impliqués dans l' « insurrection de novembre », ils traversent l'Europe avec femme et enfants pour trouver la sécurité en France, créant une petite communauté sur les terres de Lorraine, où le souvenir de Stanislas et son entourage est resté bien vivace.
Une page d'histoire totalement oubliée se révèle. Au début de l'année 1833, Nancy accueille plusieurs familles d'officiers polonais, qui fuient la répression du tsar. Impliqués dans l' « insurrection de novembre », ils traversent l'Europe avec femme et enfants pour trouver la sécurité en France, créant une petite communauté sur les terres de Lorraine, où le souvenir de Stanislas et son entourage est resté bien vivace.
En mémoire du roi Stanislas
Sous le coup de plusieurs partages successifs entre la Prusse, la Russie et l’Autriche-Hongrie, la Pologne n’a plus d’existence autonome à partir de 1795. Devant l’injustice de leur sort, de nombreux Polonais rejoignent les armées de Napoléon lors de ses campagnes contre leurs principaux ennemis. Un petit groupe d’entre eux traverse Nancy en 1814 et va se recueillir devant la tombe de Stanislas à l’église Notre-Dame de Bonsecours, marquant la population par cette ferveur partagée.
Rien d’étonnant alors à ce que, quand éclate l’insurrection du 29 novembre 1830 contre le tsar Nicolas II, les Lorrains prennent fait et cause pour les Polonais à l’image de la France entière. Fin janvier 1831, Prosper Guerrier de Dumast publie une tribune dans le Journal de la Meurthe exhortant ses compatriotes à soutenir financièrement les insurgés, en faisant appel aux mânes du roi Stanislas :
Vous êtes Français et Lorrains : Français, vous avez vu combattre à vos côtés pendant vingt campagnes les loyaux enfants de la Pologne, seuls amis qui ne vous aient point abandonnés dans vos revers ; Lorrains, c’est au sceptre d’un Polonais que vos pères ont dû trente années de bonheur.
Quelques mois plus tard, les élèves du lycée de Nancy renoncent à leurs prix de fin d’année et aux festivités pour en verser le montant aux malheureux Polonais.

Cependant, les autorités gouvernementales de la Monarchie de Juillet hésitent à prendre publiquement parti pour les Polonais contre la Russie, même si le général La Fayette déclare que « toute la France est polonaise ». Des délégations sont reçues officiellement tout en évitant de froisser l’ambassadeur russe. Lorsqu’en septembre 1831, alors que les revers s’accumulent pour les insurgés depuis la défaite d’Ostrolenka, le ministre des Affaires étrangères annonce à la Chambre des députés que « l’ordre règne à Varsovie », le satiriste d’origine nancéienne Grandville en tire des estampes glaçantes.

Dans la première, des soldats russes à cheval affrontent une infanterie polonaise dans une rue de Varsovie.
La fumée brouille la visibilité et les habitants jettent des pierres sur les assaillants du haut de leurs fenêtres. Les victimes civiles et militaires sont du côté des Polonais.

Dans la seconde, beaucoup plus connue, la bataille est terminée, et perdue. Le tsar, vêtu en cosaque, pose fièrement au milieu d'un champ de ruines, sur des corps disloqués et décapités.
Des gibets sont montés derrière lui dans un paysage urbain où ne subsistent que quelques bâtiments. Les couleurs bleue (du ciel), blanche (de la poussière) et rouge (du sang) ne sont pas sans rappeler aux Français les Trois-Glorieuses de juillet 1830, où l’insurrection parisienne avait, elle, réussi à ébranler la monarchie.
Un groupe d'émigrés venus de Lituanie
La révolte des Polonais va prendre, pour la Lorraine, une tournure beaucoup plus concrète avec l’exil et la proscription de quelques 5000 insurgés et leur famille, qui quittent leurs régions dévastées pour traverser la Prusse, et pour beaucoup d’entre eux, venir se réfugier en France. Le ministère de l’Intérieur donne des instructions aux préfets pour organiser cette Grande Émigration : les militaires doivent aller à Avignon, les civils à Châteauroux. Personne ne doit se rendre à Paris, sauf le gouvernement insurrectionnel en exil du prince Adam Czartorizsky. La préfecture de la Meurthe délivre ainsi des « secours de route » à plusieurs Polonais au début de 1832.
Un dîner est organisé à Nancy avec certains d’entre eux le 30 janvier, au cours duquel une intense émotion étreint tous les participants :
![Couplets chantés au dîner donné à des Polonais pendant leur séjour à Nancy, le lundi 30 janvier 1832 / [Par J. T.] undefined](https://rgw.atolcd.com/swift/v1/sillon_container_prod/entrepot/thumbnails/entrepot/B543956101_702023-33_0001.jpg)
Pour des raisons encore à élucider, un groupe d’officiers insurgés, plus précisément lituaniens (Lituanie et Pologne formant à l’époque moderne la « République des Deux-Nations »), va s’installer à Nancy et y demeurer. Il est possible qu’un curé de Pont-à-Mousson, le père François Bienaimé (1732-1835), n’y soit pas étranger. En effet, émigré loin de France pendant la Révolution, il a exercé les fonctions de précepteur auprès de l’un des futurs membres du gouvernement insurgé, Théodore Morawski, comme le rappelle sa notice nécrologique. Quoi qu’il en soit, le général Staniewicz, son beau-frère Jozef Rymkiewicz et le colonel Jacewicz arrivent à Nancy avec femmes et enfants dans le courant de l’année 1832. En 1838, 32 réfugiés polonais, parfois avec leur famille, figurent dans les tableaux préfectoraux de l’aide sociale.
Beaucoup d’entre eux sont originaires de la région de Telšiai et de Raseiniai, où Staniewicz et Rymkiewicz disposaient de riches propriétés, administrées par leurs épouses car ils poursuivaient des carrières militaires dans l’armée russe. Acquis aux idées de l’indépendance, nostalgiques de l’époque napoléonienne que leurs pères ont connue, plusieurs dizaines de jeunes officiers polonais ont ainsi mis au point l’insurrection de novembre 1830. Staniewicz et son adjoint Jacewicz sont chargés du soulèvement dans le gouvernement russe de Wilno (aujourd’hui Vilnius, capitale de la Lituanie).

Son court gouvernement fut marqué par des actes de haute sagesse et d’énergique habileté. Aussi le nom du chef samogitien est-il resté dans la mémoire de ce peuple héroïque.
dit ainsi de lui un chroniqueur de l’insurrection.
D’autres officiers les suivent dans leur nouvelle installation. En lien avec le comité polonais en exil à Paris, ils parviennent à faire venir à Nancy d’autres personnalités lituaniennes de premier plan : d’abord Vladimir Gadon, ancien président du gouvernement samogitien insurgé, puis Kiprijonas Niezabitauskis, un prêtre érudit et grammairien, pour servir d’aumônier à la communauté et superviser l’école.
Des exilés qui s'installent
En effet, les exilés, sous l’impulsion notamment des mères de famille, mettent en place une vie communautaire. L’éducation des enfants au respect de l’histoire et des traditions lituaniennes y joue un rôle central. Les Staniewicz ont 7 enfants, dont deux naissent à Nancy, les Rymkiewicz 5, et Mme Jacewicz se retrouve bientôt veuve avec 7 enfants, son mari décédant à Nancy en 1836.

Dans ce contexte, dès 1833, avant même l’ouverture de l’école polonaise de Paris, une école destinée aux enfants polonais est créée à Nancy.
Au financement des parents s’ajoute celui de la Société polonaise, qui supervise l’enseignement donné et à qui la communauté rend des comptes. Lorsque cette principale source de revenus s’étiole, l'école est soutenue par le mécénat de Mrs Cruickshank, une riche Écossaise apparentée à Vladimir Gadon. L’éducation donnée aux jeunes exilés se veut conforme à la fois au statut social des enfants, qui appartiennent à la noblesse, et aux traditions lituaniennes.
C’est pourquoi le concours du sous-lieutenant Jules Gryffel, pour l’escrime, ou de Niezabitauskis, pour l’enseignement de la langue (il est auteur d’un dictionnaire lituanien-polonais et d’une grammaire lituanienne), sont primordiaux à leurs yeux. Filles et garçons sont éduqués ensemble. Anna Staniewiczovna fait partie des premières jeunes filles à rejoindre l’école polonaise de Paris pour terminer son éducation, parée de tous les accomplissements.
Les jeunes Polonais réfugiés obtiennent le droit de poursuivre des études sur place : Groziewski et Purwinski à l’école de Roville, Dieworski, Kunat et Taczanowski à l’école forestière, Jasinski et Jaworski à l’école de médecine. Mais pour bon nombre d’entre eux, Nancy n’est qu’une étape dans un parcours qui les mène à Paris, à Bruxelles, ou encore en Suisse. Certains de ces jeunes gens tentent le retour en Pologne dans les années 1845-1850, ou font partie du contingent qui vient soutenir la deuxième grande révolte polonaise du siècle, celle de 1863. La plupart échouent dans leur tentative et reprennent le chemin de l’exil, grossissant les rangs de la communauté polonaise de Paris.
Pour les Nancéiens du xixe siècle, la figure la plus familière de la Grande Émigration polonaise est Marcin Roiewski, surnommé « le capitaine polonais » ou « le Polonais de la place Stanislas ». On raconte qu’à son arrivée à Nancy, bien qu’âgé d’une trentaine d’années, il a tenu à apprendre de son logeur le métier de menuisier afin de ne pas dépendre de l’aide sociale versée par le gouvernement français. Professeur à l’école polonaise jusqu’à sa fermeture en 1838, il mène ensuite une vie entière dédiée à la piété catholique et à la générosité, grâce notamment à la fortune de ses deux épouses françaises, Apolline-Henriette Dubois de Crancé et Marie-Thérèse Dagon de La Contrie. Il procure à ses compatriotes de l’argent, des vêtements, cherche pour eux des logements ou du travail. Louis Lacroix, dans sa relation de la guerre de 1870-1871 à Nancy, évoque « le bon Rojewski, entouré de cavaliers allemands dont il s’est fait le guide et le patron, et qu’il conduit à la sacristie pour y trouver un confesseur, pendant que ces pauvres garçons pleurent du mal qu’ils nous font ». Il participe financièrement à toutes les souscriptions en faveur des victimes d’incendies et de catastrophes naturelles, jusqu’à devenir bienfaiteur de l’hospice Saint-Julien où il termine sa vie, sans rien laisser derrière lui.
Bandeau d'illustration : description d'une inscription commémorative du second passage des Polonais en 1833 à l'église Notre-Dame de Bonsecours