Histoire

De Metz à Épinal : « l’enlumineur de Saint-Goëry »

Au Moyen Âge, il existait un artiste qui laissa des traces de son talent aujourd’hui conservées dans les bibliothèques de Metz et d’Épinal. Pour l’identifier, retournons au XVe siècle !

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Au Moyen Âge, il existait un artiste qui laissa des traces de son talent aujourd’hui conservées dans les bibliothèques de Metz et d’Épinal. Pour l’identifier, retournons au XVe siècle !

Contexte

Cité d'art

Au XVe siècle, la ville de Metz est un grand centre de production artistique, et cela est particulièrement vrai pour les enluminures. Elle doit cet attribut à son passé : depuis la mort de Charlemagne en 814, l’ébullition artistique de la cour royale se décentralise et laisse aux villes de province l’occasion de se faire connaître. C’est le cas de Metz, comme de Reims ou de Tours.

En revanche, la cité messine possède les avantages d’être la seule grande ville de la région et de se situer au carrefour de plusieurs courants artistiques différents. Ainsi, dans les enluminures messines du XIe au XVe siècles, les spécialistes retrouvent les influences de l’école de Paris, prédominante en France jusqu’au milieu du XVe siècle, des futurs Pays-Bas ou encore de la Rhénanie.

On compte parmi les enlumineurs messins du XVe siècle le Maître Henri d’Orquevaulz qui contribue à de nombreux livres d’heures pour le diocèse de Metz et les diocèses alentours. Actif dans la première moitié du XVe siècle, il semble omniprésent dans les livres d’heures de la région.

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Pentecôte, Henri d'Orquevaulz, Livre d'heures de Toul (f. 218v)

Mais François Avril, spécialiste des enluminures, étudie minutieusement cinq manuscrits dans lesquels se trouvent les œuvres attribuées à Henri d’Orquevaulz. C’est lors de cette procédure qu’il parvient à déceler un autre artiste messin, actif entre 1435 et 1450 : le Maître de Saint-Goëry.

En effet, le Livre d’heures de Toul contient des enluminures des deux artistes de Metz. L’ensemble du calendrier et certains feuillets sont réalisés par le Maître de Saint-Goëry, tandis que d’autres feuillets sont faits par Henri d’Orquevaulz.

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Mise au tombeau, Henri d'Orquevaulz, f. 215
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Sainte Barbe, Maître de Saint-Goëry, f. 23fv

 

 

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Reconnaître le maître de Saint-Goëry

Comparaisons

C'est en comparant différents manuscrits, et notamment le livre d'heures de Toul et le livre d'heures de Metz que François Avril se rend compte qu'il s'agit bel et bien du même illustrateur. Voici quelques exemples de comparaisons :

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Enluminure illustrant les travaux du mois de mai,
Maître de Saint-Goëry,
Livre d'heures de Metz, f. V
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Enluminure représentant les travaux du mois de mai,
Maître de Saint-Goëry,
Livre d'heures de Toul, f. 07

 

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Enluminure illustrant les travaux du mois de juillet,
Maître de Saint-Goëry
Livre d'heures de Metz, f. VI
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Enluminure représentant les travaux du mois de juillet,
Maître de Saint-Goëry,
Livre d'heures de Toul, f. 09
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Identifier le maître de Saint-Goëry

À partir de l'Évangéliaire pourpre

Mais pourquoi cet artiste messin porte-t-il le nom du chapitre de Saint-Goëry d’Épinal ? Pour François Avril, qui est le premier à le nommer ainsi, le maître est à l’origine de ces deux miniatures, détenues par ce même chapitre.

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Saint Marc,
Maître de Saint-Goëry,
Évangéliaire pourpre, f. 01v
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Saint Goëry,
Maître de Saint-Goëry,
Évangéliaire pourpre, f. 02

Ces deux peintures ont été insérées au XVe siècle dans l’Évangéliaire pourpre, un manuscrit pourpré écrit en lettres d’or du IXe siècle dans lequel on trouve l’évangile selon saint Marc. La reliure, de vermeil et d’ivoire entre autres, date également du XVe siècle et contribue à la préciosité du document.

Ainsi, il semblerait donc que le chanoine représenté en bleu sur les miniatures en soit le commanditaire. La raison qui le motive reste un mystère, mais on peut imaginer qu’il souhaitait simplement doter le manuscrit de l’Évangile de deux grandes enluminures richement décorées.

Car il était en effet coutume de commander des enluminures auprès des artistes qui les réalisent. Le Livre d’heures de Metz pour Jean de Vy et Perette Baudoche est un autre exemple du travail du Maître de Saint-Goëry. En partie illustré par ce dernier, le livre présente l’échevin Jean III de Vy et son épouse Perette Baudoche.

 

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Jean de Vy dans le
Livres d'heures de Metz, f. 12
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Perette Baudoche dans le
Livre d'heures de Metz, f. 01

Jean de Vy, échevin de la cité messine, est représenté ici à gauche, priant aux pieds de saint Pierre Célestin. Perette Baudoche est issue d’une famille aristocratique de Metz, petite-fille de Jean Ier Baudoche, échevin de la cité en 1346, et elle se trouve représentée priant aux côtés de la Vierge.

Exemple de l’école de Metz, l’enlumineur surnommé le Maître de Saint-Goëry a semé son art et son goût prononcé pour les décors riches en couleur en Lorraine…

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Saint Christophe,
Livre d'heures de Metz, f. 14