Histoire

Histoire du vin de Lorraine et de Moselle

Difficile d’imaginer la Lorraine parsemée de vignes et pourtant la région fait partie du plus ancien vignoble français. Le vin de Moselle a connu une activité florissante, peu à peu oubliée, qui tend aujourd’hui à regagner ses lettres de noblesse.

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Difficile d’imaginer la Lorraine parsemée de vignes et pourtant la région fait partie du plus ancien vignoble français. Le vin de Moselle a connu une activité florissante, peu à peu oubliée, qui tend aujourd’hui à regagner ses lettres de noblesse.

De l'Antiquité au Vème siècle

Des origines antiques aux Mérovingiens

Introduite par les Grecs au VIe siècle avant J.C. dans le bassin méditerranéen, il faut attendre encore plusieurs siècles avant de voir la culture de la vigne se développer dans le Nord de la Gaule. Les Romains ont fortement contribué au développement de l’activité viticole sur les coteaux et le long de la Moselle, suite à l’édit de l’empereur Probus vers 276 après J.C., qui autorise la culture de la vigne et la production de vin. Car contrairement aux idées reçues, la région se prête bien à cette culture. Le sol argilo-calcaire et sablonneux assure un bon drainage, facilité par la pente naturelle des coteaux qui elle, permet une exposition au soleil, tout en protégeant des intempéries. La proximité avec la Moselle est aussi un atout pour exporter le vin par voie fluviale vers le Nord de l’Europe.


Célébrés pour leur beauté par le poète Ausone au IVe siècle après J.C. dans son poème Mosella, les coteaux mosellans couverts de vigne font la richesse de la région. Si les invasions barbares ont affaibli un temps l’activité viticole, elles sont loin de l’avoir détruite. C’est donc dans ce contexte particulièrement prospère que les Mérovingiens choisirent d’installer la capitale de l’Austrasie à Metz. La présence de la vigne n’y est sans doute pas étrangère. Ainsi le poète Fortunat (530-609) vente à son tour, les « … Collines couvertes de pampres touffues. », à la cour de Sigisbert 1er et de la reine Brunehaut.

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Bas-relief illustrant le poème de Ausone
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Du Ve siècle au XVe siècle

Le faste du Moyen Âge

Au Moyen Âge, la viticulture conserve le prestige qu'elle a acquis durant l'Antiquité, et demeure un symbole social majeur. Le développement du christianisme concourt à renforcer sa symbolique et son pouvoir. L'évêque mais aussi les chanoines et les abbés exploitent la vigne aux abords de la cité et parfois même à l’intérieur des remparts, afin d’offrir le meilleur vin à leurs hôtes. Il n’y a pas une abbaye qui ne possède ses propres vignes. Celle de Gorze fait partie des plus réputées.
Tout comme le clergé, les seigneurs et la bourgeoisie s’intéressent à la viticulture et veulent produire un vin de qualité. Les plants de vigne sont nombreux à Metz mais aussi dans les villages éloignés. Le vin de Moselle s’exporte sur les tables anglaises mais aussi hollandaises, flamandes… Il est d’ailleurs à noter, qu’à cette époque, le vin de Moselle a meilleure réputation que le vin d’Alsace.

 

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Du XVe au XVIIIe siècle

Grandeur et préjudices

Aux XIVe et XVe siècles, les guerres féodales, entre la ville de Metz, les ducs de Lorraine, de Bar et de Luxembourg, mettent régulièrement à mal le vignoble mosellan. Pour sauvegarder cette activité, on replante, mais souvent avec un cépage qui offre certes un plus haut rendement mais donne aussi un vin de moindre qualité. La guerre de Trente ans entraîne les mêmes vicissitudes. Malgré tout le Parlement de Metz, conscient que le vin constitue une véritable richesse, prend plusieurs mesures pour protéger la qualité du vin de Moselle. Ainsi les pieds médiocres sont arrachés, l’importation et la vente de vins étrangers sont fortement réduites. Malheureusement ces décisions sont remises en question à la Révolution, avec le rétablissement de la liberté de culture. Chaque viticulteur redevient libre d’utiliser le cépage de son choix. On en revient bien souvent à préférer le rendement à la qualité.
Avant cela, l’activité viticole mosellane fut déjà mise à mal en 1685 avec la révocation de l’Édit de Nantes, qui eut pour conséquence le départ des protestants à l’étranger. Alors détenteurs de nombreuses vignes, ces dernières sont redistribuées. Il faudra plus d’un demi-siècle avant que le vignoble mosellan retrouve sa prospérité.

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Du XIXe au XXe siècle

Le début du déclin

En 1833, la Lorraine compte 34 000 hectares de vignes. La consommation de vin se répand dans les milieux modestes. L’armée contribue également à l’augmentation de la consommation en vin, puisqu’il est prévu dans les garnisons, telles que Metz, un litre de vin par jour et par soldat. Face à cette explosion de la demande, les producteurs n’ont d’autre choix que de produire beaucoup, à un prix raisonnable. Le vignoble de Moselle vit donc une période faste entre 1850 et 1880 avant d’entamer son déclin. Les causes de ce dernier sont diverses. Tout d’abord la révolution industrielle a pour conséquence l’abandon du travail dans les vignes au profit de celui dans les usines. Ensuite le développement du chemin de fer entraîne, quant à lui, une concurrence des vins du midi. Enfin, les maladies cryptogamiques et parasitaires touchent de plus en plus les plants : mildiou, oïdium et surtout le phylloxéra. Cet insecte ravageur venu d’Amérique, s’est propagé avec le développement des transports et l’achat de nouveaux pieds contaminés. On estime que 2/3 des vignes sont atteintes dans les années 1890. Les effets sont dévastateurs pour le vignoble mosellan, puisque pour enrayer la contamination, les pieds de vignes sont arrachés. A titre d’exemple, près de 11 000 pieds sont détruits à Vallières en 1887. Découragés, les viticulteurs abandonnent souvent leur activité pour se tourner vers l’industrie.

L’annexion apporte un second souffle avec le développement d’un nouveau marché et de nouvelles techniques. Mais à la fin de la Première Guerre mondiale, les vins locaux ne peuvent rivaliser avec les autres vins français. Et avec la perte du marché allemand, rien n’est fait pour reconstruire l’activité. Endettés, les viticulteurs de l’époque n’ont pas su faire face au manque à gagner. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, passant de 2 600 ha en 1918 à 50 ha à la fin du XXe, la production du vin en Lorraine devient peu à peu anecdotique.

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De nos jours

Le renouveau

Chargé d’histoire, ce vignoble, évoqué dans les chansons de Jacques Brel ou encore Pierre Perret, renaît depuis quelques années grâce à des vignerons passionnés. En 2014, la Moselle a produit 4 337 hectolitres sur une surface de 189 ha.
Depuis 2010, les vins de Moselle ont obtenu le label AOC, reconnaissant ainsi le travail effectué principalement autour du pinot noir et de l’auxerrois.  Il remplace l’ancienne appellation « Vins de Moselle » qui avait vu le jour après la Seconde Guerre mondiale.

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Cordon de l'ordre des maitres tastevins des vignerons de Plappeville conservé aux Bibliothèques-Médiathèques de Metz

Aujourd’hui, le vin est considéré comme un atout gastronomique et touristique pour la région. Mise en place depuis quelques années, la Route des Vins permet de découvrir le vignoble mosellan et les professionnels qui le mettent en valeur. Partant de Fey jusqu’à Marange-Silvange, ce parcours œnologique de 46 km traverse une vingtaine de villages. Voilà une idée de balade agréable à faire en période estivale !

 

Sources :

Barthel, Jocelyne, Vignerons, vigne et vin en pays messin, Metz, Ed Serpenoise, 1990.

Lorraine, La route du vin, coll Circuits culturels et touristiques en Lorraine, Metz, Ed Serpenoise, 1994.

Rohn, Roland, Guide des vins de Lorraine, Metz, Éditions des Paraiges, 2014.