Entrainons notre imaginaire vers les images et les mots du poète, vers ces paysages où l'écriture était son visage.

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Entrainons notre imaginaire vers les images et les mots du poète, vers ces paysages où l'écriture était son visage.

Le poète en correspondances

Imagine Verlaine écrivant à ses éditeurs

Très jeune, Verlaine s'est voulu poète, et a cherché à être reconnu comme tel. Il a vingt-deux ans lorsque son premier recueil est publié en 1866. Ce sont les Poèmes saturniens, qui paraissent chez Alphonse Lemerre. Fêtes galantes et La Bonne chanson suivront chez le même éditeur, avant que Verlaine ne fasse appel à Léon Vanier. C’est d’ailleurs Vanier qui, de son vivant, publia la plus grande partie de ses œuvres : à partir de 1884, il devient son éditeur attitré, non sans quelques orages.
Les lettres de Verlaine à ses éditeurs éclairent d’une manière singulière le regard que Verlaine portait sur lui-même. Elles révèlent aussi le sens qu’il entendait donner à tel ou tel aspect de son œuvre. Ce n’est pas par hasard si des passages de cette correspondance trouvent d'étonnantes résonnances dans ses poèmes, et vice versa.
Ainsi, en 1872, il termine par ces mots une lettre à Alphonse Lemerre : « Je vous serre bien cordialement la main, ainsi qu’à ceux de ces messieurs qui ne m’en voudraient pas trop d’être un Vaincu ».
Comment ne pas entendre l’écho de cette phrase dans « Dernier espoir », un sonnet écrit à la fin de sa vie, dont voici le dernier tercet :

Ah, vivre encor ! Mais quoi, ma belle,
Le néant est mon froid vainqueur…
Du moins, dis, je vis dans ton cœur ?

 

Imagine les courriers adressés à Verlaine

Verlaine a noué très tôt de solides relations dans le monde des lettres.  Il s’est fait connaître et apprécier par la beauté toute musicale de ses poèmes : les plus sombres placés sous le signe de Saturne, les plus enjoués bercés par la chanson de l’amour.
Nombreux sont les écrivains, artistes, critiques et éditeurs avec lesquels Verlaine a partagé une correspondance.
Ces échanges épistolaires nous font entrer dans l’atelier du poète, côté professionnel. Mais ils nous montrent aussi les liens de sympathie, voire d’amitié tissés entre le poète et d’autres hommes de lettres. Ils donnent à saisir la place de Verlaine dans la vie littéraire de son temps. Une place centrale malgré sa réputation sulfureuse.
Vers la fin de sa vie, Verlaine a ainsi correspondu avec le critique d’art Jules Rais. Ce dernier avait saisi toute l’importance de la création verlainienne. Né à Nancy, travaillant à la direction de la revue L’Image, Jules Rais fut aussi connu sous le pseudonyme de Jules Nathan. Il proposa à Verlaine de collaborer à sa revue. Dans une de ses lettres, il apporte à Verlaine des précisions sur une conférence, au cours de laquelle il prévoit d'exposer des portraits du poète. Il conclut par quelques mots d’anglais (« I shall be very happy to see you – monday ? »), touche humoristique autant qu’amicale envers Verlaine qui avait gardé de vifs souvenirs de ses séjours Outre-Manche.

 

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Mots et images

Imagine les portraits de Verlaine

Pour un poète, les traits du visage humain équivalent-ils aux traits de la plume qui donne vie aux mots ? Voilà un Verlaine qui se dessine sous le pinceau du peintre : c'est le poète maudit au regard triste, pris par le destin. Verlaine a souvent déploré la nécessité implacable à laquelle il s’est heurté. Mais ce Verlaine au destin tragique, et en un certain sens voulu comme tel, semble toujours sous-tendu par une certaine grâce poétique jusque dans ses côtés les plus ténébreux.

Ainsi, c’est la contradiction qu'on cherche à saisir dans le personnage autant que dans le poète. Par le dessin, la peinture, la photographie, c’est la présence humaine du corps, c’est la puissance d’évocation du visage, c'est un morceau de vie arraché au temps. L'homme qui a donné à la poésie française une musicalité neuve, comme coulant d'une source vive et naturelle, c'est aussi ce Verlaine dont le portrait invite à la méditation sur les coups du sort, sur les démons intérieurs et la précarité de l'existence.

L'image peut réduire un homme à bien peu de choses. Ici, au contraire, les images du poète complètent, renforcent et amplifient son message poétique. En s'associant à la création, elles transfigurent la difficulté et l'instabilité d'un quotidien malheureux. Elles sont des documents précieux que Verlaine aurait sans doute apprécié de voir s'ajouter aux manuscrits conservés dans sa ville natale.
 

Imagine les mots de Verlaine

Lorsqu'on se plonge dans les manuscrits de Verlaine, certains vers de Baudelaire peuvent remonter à la mémoire :

Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
De vers, de billets doux, de procès, de romances,
Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances
Cache moins de secrets que mon triste cerveau.

Les voici donc, les mots sortis des pensées du poète, hantés par ses souvenirs, mais toujours tendus vers la création.
Une adresse au dos d'une enveloppe, une signature, quelques mots griffonnés à la hâte, un poème qui naît sur la papier... Le poète tremble parfois quand il écrit, ou il écrit un peu de travers, où il peut. Il contourne certains mots, les souligne, en ajoute d'autres, continue sur les côtés. Et il lui arrive – pourquoi pas ? de tourner et retourner sept fois la feuille de papier avant d'y graver les premiers vers d'un de ses plus beaux poèmes. À moins qu'il ne prenne tout simplement plaisir à écrire sur un thème de commande ?
Voici le sonnet Bibliotaphe, au ton satirique. Il fait partie des Biblio-sonnets que Verlaine écrivit en 1895 pour le critique Pierre Dauze. Un humour légèrement caustique, la parodie d'un vers d'Arsène Houssaye... Verlaine semble s'amuser à peindre le tableau d'un ecclésiastique un peu maladroit et décontenancé pendant un office. Quelques ratures, quelques taches... Le papier garde la mémoire du moment T de la création. Verlaine est là. Présent.

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La vie, la mort et l'œuvre

Imagine les années sombres de Verlaine

Voici Verlaine dans les moments troubles, où il subit une certaine déchéance. Il passe d'hôtels en hôpitaux, d'hôpitaux en hôtels. Sa situation semble lui échapper. L’Hôpital Broussais le voit effectuer plusieurs séjours. Il part même en cure à Aix-les-Bains en août 1889. Mais les rechutes dans des comportements qu'on appellerait aujourd'hui « à risque » sont fréquents.
Le démon de l’alcool rôde autour de lui en permanence. Sa santé est chancelante. Sa tenue est souvent négligée. Physiquement, il est marqué par ses errements, et des années entremêlées d’errances et d’espérances. Pourtant, il n’a jamais renoncé à son œuvre de poète. L’écriture va au-delà des passions, des troubles…
Il correspond, il maintient haut son idéal poétique, même si les recueils de la fin sont inégaux. Il est consacré « Prince des Poètes » en 1894. Un an auparavant, il a même été candidat à l'Académie française. Il est invité à donner des conférences sur les poètes de son temps.

Son mariage avec Mathilde Mauté est bien loin. C'est désormais entre deux femmes qu'il partage sa vie : Philomène Boudin et Eugénie Krantz. A-t-il trouvé grâce à elles une forme d'équilibre? Rien n'est moins sûr. Cependant, il leur confie parfois de menues missions liées à son activité d'écrivain. C'est le cas de ce petit billet à l'attention d'Eugénie Krantz. Verlaine demande à sa compagne, malgré leur relation orageuse, de lui faire parvenir un article et une lettre du Figaro. Eugénie joue ainsi le rôle de messagère du poète, toujours écartelé entre sa participation active à la vie littéraire et les nombreux tracas du quotidien.

 

Imagine le poète et la mort

La mort fut-elle la grande angoisse de Verlaine ? Il a parfois décrit l’horreur qu’elle lui inspirait. Le premier poème que nous connaissons de lui, daté de 1858, est intitulé tout simplement « La Mort ». Dédié à Victor Hugo, il a des accents sombres sortis tout droit du cœur de l’adolescent :


                […] l’affreuse mort sur un dragon se montre
                Passant comme un tonnerre au milieu des humains.


Aussi, n’est-ce pas pour conjurer cette vision terrible que Verlaine s’est jeté à corps perdu dans tous les excès de la vie ? Car, à n’en pas douter, un goût puissant pour la vie l’a animé jusqu’au bout. Un goût qui fut fertile à son art de poète. Car même aux moments les plus hasardeux de son existence, sa volonté créatrice a réussi canaliser ses volitions, ses chimères, ses caprices.
Habité par la force d’aller de l’avant, Verlaine s’est maintes fois relevé par désir de vivre. Mais à 51 ans, il a déjà beaucoup trop vécu. Sent-il que les forces vont bientôt le quitter, la vie bientôt l’abandonner ? Sans doute a-t-il pressenti l’approche de celle qu’il redoutait jeune adolescent, et dont la présence n’a jamais vraiment cessé de le hanter. Le dernier poème que nous avons de lui porte le simple titre : « Mort ! ». Nous sommes en décembre 1895.
Le 8 janvier 1896, Verlaine s’éteint. Est-il entré dans le grand sommeil avec les mots de Hamlet « To die, to sleep; to sleep : perchance to dream » ? Sa vie, en effet, fut une contradiction permanente, irréductible, entre le désir et le réel. Le rêve, respiration poétique de l’esprit, fut l’antidote (ou le baume ?) à cette contradiction. La mort, en tranchant ce nœud gordien, libère le poète, et lance le départ de son œuvre vers la postérité.

Maintenant, c'est à nous de jouer : lisons, chantons Verlaine!

 

Sources

Baronian, Jean-Baptiste, Verlaine, Gallimard, 2008

Bibliothèques-Médiathèques de la Ville de Metz, Verlaine, Metz et la Lorraine : les carnets de Médamothi.  2006

Guéno, Jean-Pierre, Verlaine emprisonné, Gallimard, Musée des lettres et manuscrits, 2013

Hoch, Philippe, Gustave Kahn et Paul Verlaine, histoire d'une fidélité. Extrait des Mémoires de l'Académie Nationale de Metz, 1996

Médiathèque du Pontiffroy, Dédicaces à Paul Verlaine, Editions Serpenoise, 1995

Murphy, Steve, Poèmes saturniens : édition critique, Honoré Champion, 2008

Petitfils, Pierre, Album Verlaine, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1981.

Petitfils, Pierre, Verlaine : biographie, Editions Julliard, 1994

Verlaine, Paul, Œuvres poétiques complètes, Jacques Borel et Yves-Gérard Le Dantec (éditeurs scientifiques). Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1962.

Verlaine, Paul, Œuvres en prose complètes / Paul Verlaine; Jacques Borel (éditeur scientifique). Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1972.

Zweig, Stefan, Paul Verlaine, Castor astral, 2015