Histoire

La catastrophe de Bouzey

27 avril 1895 - 5h15 du matin : La digue de Bouzey vient de céder sous la pression des sept millions de mètres cubes d’eau du réservoir. Histoire d'une catastrophe annoncée.

 

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27 avril 1895 - 5h15 du matin : La digue de Bouzey vient de céder sous la pression des sept millions de mètres cubes d’eau du réservoir. Histoire d'une catastrophe annoncée.

 

La construction du réservoir de Bouzey

Un projet d'envergure

Le fonctionnement des écluses sur la branche sud du nouveau canal de l'Est nécessita la construction d’un réservoir sur la commune de Chaumousey dans la vallée de l’Avière au lieu-dit de Bouzey. L’avant-projet réalisé par les ingénieurs Cahen et Pugniere fut approuvé par le ministre des travaux publics dès le 13 juillet 1875. Le réservoir devait contenir sept millions de mètres cubes d’eau sur une superficie de cent-vingt-huit hectares.  

Pour mener à bien cette construction, le préfet ordonna l'expropriation d'un certain nombre de lots pour cause d'utilité publique sur les communes de Sanchez et de Chaumousey. Ainsi, comme des centaines d'autres, Monsieur Charles-Joseph Vuillemin, féculier, dû céder sa maison, son moulin et l'étang nécessaire à la construction du réservoir. 

Des signes de faiblesse

Les fondations de l'ouvrage sont construites entre 1878 et 1879 et le gros œuvre est achevé en 1880. Le mur de retenue d’eau était d’une largeur de quatorze mètres à sa base et de quatre mètres à son sommet avec une hauteur maximale de vingt-deux mètres soixante-dix et une longueur de cinq-cent-vingt mètres.

Le réservoir était alimenté par une rigole d'environ quarante-deux kilomètres de long qui prélevait l’eau de la Moselle à Saint-Etienne-lès-Remiremont. Sa mise en eau put commencer à partir de novembre 1881, dès lors des fuites et des fissures sont régulièrement constatées. En 1884, les incidents s’intensifièrent, c’est ainsi qu’en 1885 le réservoir fut vidé pour renforcer la digue. La remise en eau fut achevée en mai 1890.

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La catastrophe

La rupture de la digue

Le 27 avril 1895 à 5h15 du matin, la digue de Bouzey cède sous la pression des sept millions de mètres cubes d’eau. La vague déferla dans la vallée de l’Avière et ravagea le hameau de Bouzey et les communes de Chaumousey, Sanchey, Darnieulles, Uxegney, Domèvre-sur-Avière, Perrey, Oncourt, Frizon et Nomexy. Les dommages furent importants, des centaines de maisons furent rasées, de nombreux bestiaux périrent noyés, le canal et quatres chemins de fer furent en partie démolis et les récoltes détruites. Quatre-vingt-sept morts furent dénombrés.

Dès le lendemain, le Mémorial des Vosges mais aussi l'Est Républicain, qui avait un correspondant à Épinal, relayèrent l'information dans leurs colonnes. Les gros titres montraient l'ampleur de la tragédie : "la catastrophe de Bouzey" ou "le désastre de Bouzey". Les témoins y racontaient que le bruit de la rupture de la digue avait été semblable à un tir "de canon" ou à une "décharge d'artillerie". Les journalistes firent dès ce premier jour un inventaire des importantes pertes tant humaines que matérielles.

La presse nationale relaya également dans ses colonnes l'ampleur de cette catastrophe. L’Illustration, du 4 mai 1895, et le Petit parisien, du 12 mai 1895, consacrèrent un article à l’événement. 

Le soutien aux victimes

La catastrophe de Bouzey déclancha un élan de solidarité en faveur des sinistrés. Un comité national de secours, présidé par Camille Krantz, fut chargé de répartir les premiers secours.

Dès le 30 avril, Le Mémorial des Vosges et d'autres journaux parisiens ouvrirent des souscriptions auxquelles répondirent de nombreuses personnes dont les députés Camille Krantz et Henry Boucher, le conseiller général Armand Lederlin, le maire d'Épinal Georges Juillard, des industriels vosgiens mais aussi de simples citoyens. Des soirées, des concerts et des tombolas furent organisés au profit des victimes ainsi qu'une aide matérielle d'urgence : des vêtements, du mobilier, des désinfectants et de l'approvisionnement furent envoyés aux sinistrés. Quant aux troupes, elles sont mobilisées pour le déblaiement des boues et la destruction des maisons en ruine.

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Le renouveau

Un espace de loisirs et de pêche

Le réservoir, après la reconstruction de sa digue et sa remise en eau en 1901, devint un lieu privilégié pour la pêche et notamment celle au brochet. Les adhérents de la Société vosgienne des pêcheurs à la ligne, locataire de l'étang de Bouzey, détenaient l'exclusivité d'y pêcher. La presse relaie de belles prises, comme celle de M. E., négociant à Épinal, qui a pêché à la ligne un brochet de huit à neuf livres

Les pêcheurs et les promeneurs bénéficiaient de certaines commodités à proximité immédiate de l'étang. Madame Delait, la femme à barbe de Thaon-les-Vosges, tenait un café à l'abbaye de Chaumousey et Monsieur Desbuisson une petite pension soignée. De plus, un service automobile était mis en place depuis Épinal jusqu'à Bouzey.

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Le café de la femme à barbe à Bouzey (Mémorial des Vosges, 10/06/1912)

La digue que l'on connait aujourd'hui a totalement était reconstruite entre 1930 et 1938.