Histoire
A la découverte des enfers
L'au-delà fascine autant qu'il inquiète : l'enfer, lieu de souffrance éternelle, alimente particulièrement l'art et les créations littéraires.
Mais comment est née la vision de l'enfer chrétien ? Remontez aux origines du royaume de Satan dans cet article !
L'au-delà fascine autant qu'il inquiète : l'enfer, lieu de souffrance éternelle, alimente particulièrement l'art et les créations littéraires.
Mais comment est née la vision de l'enfer chrétien ? Remontez aux origines du royaume de Satan dans cet article !
Des mythologies anciennes à la vision chrétienne de la mort
Les enfers sont représentés dans l’art surtout au Moyen-Age et à la Renaissance : les créations sur ce thème se font plus rares dans la seconde moitié du XVIe siècle. La première vision de l’enfer, plutôt populaire, est inspirée par les apocalypses et les écrits apocryphes (textes religieux non reconnus par l’Eglise). Mais les grandes civilisations anciennes ont particulièrement nourri la vision de l’enfer chrétien : les punitions et les souffrances qui y sont associées sont pour la plupart issues des conceptions orientales des enfers.
Dans l’Odyssée d’Homère, on trouve une première description du monde souterrain. Sur cette estampe, on peut notamment apercevoir Charon qui fait traverser l’Archéron aux âmes. Durant ce périple, Ulysse assiste aux supplices de plusieurs héros. Suite à l’œuvre d’Homère, les poètes verront de plus en plus l’enfer comme un lieu dédié aux punitions infligées aux pécheurs.
L’enfer apparaît aussi dans les civilisations anciennes à travers le mythe d’Orphée : afin d’avoir accès aux enfers pour aller chercher sa bien-aimée Eurydice, Orphée séduit le passeur Charon en jouant de la lyre. Dès l’époque paléochrétienne, le Christ musicien se susbstitue à celui du rôle d’Orphée : la musique devient alors le symbole de la vie éternelle après la mort.
Inspirés par les épopées homériques, les philosophes développent des réflexions autour de la mort. Platon, dans « La République », fait un récit du voyage des âmes. On y trouve plusieurs idées importantes qui inspireront les représentations du Jugement dernier : les « justes » et les « injustes » sont désignés pour suivre des chemins différents. Le texte énonce des principes fondateurs du dogme chrétien comme l’immortalité de l’âme.
Platon décrit même la lumière qui apparaît avec le Christ lors du Jugement dernier : « une lumière droite comme une colonne, fort semblable à l’arc-en-ciel, mais plus brillante et plus pure ». Cet arc-en-ciel, en plus d’être présent dans l’Ancien et le Nouveau Testament, se retrouvera dans l’iconographie médiévale du Jugement dernier.
La mort, synonyme de souffrance pour les pécheurs
Dans la Genèse, l’idée de mort prend sa source dans le péché originel commis par Adam et Eve : c’est une punition divine. Mais lorsque le Christ rachète le péché originel sur la Croix, la mort n’est plus vraiment vue comme une sanction : elle donne un accès à l’immortalité. Pour le gagner, l’homme doit alors combattre le Mal et résister à la tentation de commettre des péchés…
Au IVe siècle, Evagre le Pontique identifie huit passions néfastes : gourmandise, impureté, avarice, mélancolie, colère, paresse, vaine, gloire, et orgueil. Deux siècles plus tard, Grégoire le Grand fixe le nombre de péchés capitaux à sept : l’orgueil est alors le plus grand des vices. Satan, surnommé « prince des orgueilleux », l’incarne à la perfection. Mais le péché de l’envie a également pour origine le diable tentateur.
La liste des péchés capitaux est définitivement fixée au XIIIe siècle, avec le quatrième concile du Latran en 1215. C’est Thomas d’Aquin qui la consigne dans sa Somme théologique. On y trouve l’acédie (la paresse), l’orgueil, la gourmandise, la luxure, l’avarice, la colère et l’envie.
En 1492, dans Les Peines de l’Enfer, Jean Vérard consacre un chapitre aux sept péchés capitaux et les relie chacun à un châtiment. Tandis que les hommes qui se complaisent dans la luxure sont mordus par des serpents et des crapauds, les gourmands mangent leurs membres, les orgueilleux subissent le supplice de la roue, et les envieux sont jetés dans un fleuve glacé ou de feu (au choix !).
On trouve la première description détaillée des supplices de l’enfer dans l’Apocalypse de Pierre (125 – 150 av J.-C.) : « Certains de ceux qui étaient là étaient suspendus par la langue : ceux qui avaient blasphémé la voie de la justice ; et sous eux il y avait un feu qui flambait et les tourmentait. ». Cette vision sera reprise dans l’Apocalypse de Paul : à son arrivée à la rivière de feu, Paul découvre différents supplices, pour la plupart inspiré des mythologies orientales (les damnés qui tombent des ponts). Ce récit inspirera beaucoup Dante pour sa fameuse œuvre, La Divine Comédie (début XIVe siècle).
Les légendes irlandaises ont eu un énorme succès : c’est le cas de Visio Tungdali (vision de Tondale, 1149) narré par un chevalier irlandais qui décrit les supplices subis après la mort en fonction des péchés commis (les gourmands sont punis par le martèlement et le découpage corporel).
Ces différents récits nourrissent la vision populaire de l’enfer, qui résulte en partie d’un emprunt aux différentes religions pour les supplices infligés.
Les différentes visions de l'enfer
Les Pères de l’Eglise, premiers intellectuels chrétiens, essaient de rationnaliser toutes ces idées en élaborant un enfer compatible avec les Ecritures. Cependant, des désaccords s’installent entre eux. Tandis que certains voient l’enfer comme un lieu de souffrance éternelle, d’autres font preuve de plus d’indulgence en se rangeant du côté du courant onigériste, né de la pensée d’Origène. Dès le IIIe siècle, ce dernier voit l’enfer comme un purgatoire dans lequel l’âme est purifiée par le feu : elle peut ensuite trouver la rédemption en retournant auprès du Seigneur. Les théologiens admettent l’existence du purgatoire au XIIe siècle, mais ses représentations les plus anciennes dans l’art remontent au XIVe siècle.
C’est l’existence d’un enfer physique et éternel qui va l’emporter sur le courant onigériste. En effet, cette idée est bien plus efficace pour pousser les fidèles à rester dans le droit chemin : les autorités ecclésiastiques brandiront la peur de l’enfer comme argument jusqu’au XXe siècle. Il faudra attendre 1439 pour que le concile de Florence officialise ce qu'est l'enfer chrétien.
L'enfer contemporain : la souffrance est sur terre
Au XXe siècle, la notion d’enfer après la mort commence à disparaître : l’idée d’un enfer sur terre prend le dessus avec la misère du monde et des guerres.
Les vues photographiques des désastres de la Première Guerre mondiale ont particulièrement relancé le sujet de la mort dans l’art contemporain. En effet, avec le développement de la presse à grand tirage durant l’entre-deux-guerres, ces photographies très crues et réalistes ont pu toucher beaucoup d’artistes.