Histoire

Lunéville, cité cavalière

La cavalerie de Lunéville, unité militaire créée au XVIIe siècle, participe à de nombreuses batailles et campagnes militaires. Découvrez un résumé de son histoire grâce aux documents issus des archives municipales de la Ville de Lunéville, du musée du Château de Lunéville, Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle,  de L’Orangerie, médiathèque de la Communauté de Communes du Territoire de Lunéville à Baccarat et de collectionneurs privés.

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La cavalerie de Lunéville, unité militaire créée au XVIIe siècle, participe à de nombreuses batailles et campagnes militaires. Découvrez un résumé de son histoire grâce aux documents issus des archives municipales de la Ville de Lunéville, du musée du Château de Lunéville, Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle,  de L’Orangerie, médiathèque de la Communauté de Communes du Territoire de Lunéville à Baccarat et de collectionneurs privés.

1698 à 1736 : les débuts

La Maison militaire des ducs Léopold et François

Lorsque Léopold fait son entrée à Lunéville, le 15 mai 1698, il y est reçu par deux compagnies françaises, l’une de 60 cavaliers, l’autre de 80 buttiers (ou arbalêtriers), envoyées de Nancy sur ordre du roi Louis XIV pour lui rendre les honneurs. La Maison militaire du duc est alors une simple garde d’honneur.

Le régiment des gardes forme avec ses compagnies l’essentiel de l’armée lorraine. Il est créé 16 compagnies en 1698 dont trois détachées à Lunéville. En 1699, Léopold fonde à Nancy une académie militaire pour les jeunes gentilshommes. Celle-ci est transférée à Lunéville en 1709. Léopold joue un rôle important dans le développement et la modernisation de la cavalerie lorraine : véritables écoles, la Maison des Pages et l’Académie, forment le point de départ de la cavalerie de Lunéville.

En 1730, le duc François, dernier souverain de la Lorraine et fils aîné de Léopold, réorganise l’Académie.

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Jeune homme dit le cadet de Léopold
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1737 à 1765 : l'époque du roi Stanislas

Les Cadets au temps de Stanislas

Du temps de Léopold, les élèves viennent de l’étranger (Angleterre, Allemagne). À l’arrivée de Stanislas Leczinski (1737), l’Académie militaire formant les cadets est remaniée : Stanislas n’accepte que des Lorrains et des Polonais. L’institution devenant purement militaire, il établit une compagnie de cadets gentilshommes, tous issus de la noblesse. La discipline y est très stricte, d’après Arthur Benoît dans son ouvrage Les Gendarmes rouges à Lunéville (1892). L’auteur y évoque également un règlement d’une grande rigueur intitulé « Devoirs d’un gendarme » paru dans les Petites Affiches de Lunéville.

Aux prescriptions communes à l’armée s'ajoutent celles propres au corps. Notamment celle-ci :

Les gendarmes devaient être de force supérieure dans l’équitation aux exercices de cavalerie et dans  « le tiré des armes ».

L’école des cadets fournit à l’armée française beaucoup d’officiers de valeur que l’on retrouve en Allemagne, en Amérique, en Vendée et dans les guerres de la République et de l’Empire. Le but de Stanislas, d’ordre politique, est de fondre la noblesse lorraine dans l’armée française.

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1766 à 1788 : l'âge d'or des Gendarmes rouges

Les Gendarmes rouges

En 1766, à la mort de Stanislas, l’école des cadets gentilshommes disparaît. Celle-ci est dispersée et les élèves versés dans l’école militaire du roi de France, fastueuse fondation que Louis XV fit élever à Paris. Ces Gendarmes rouges compensent la perte du duc et de sa cour dans la cité. Appartenant à la gendarmerie de France aussi appelée « gendarmerie d’ordonnance », c’est une unité d’élite montée héritière des gens d’armes de la fin du Moyen Âge : ces cavaliers issus de la Maréchaussée n’ont donc rien à voir avec les forces de l’ordre !

Les dix compagnies de gendarmerie sont réunies à Lunéville, et se distinguent par leur uniforme de couleur écarlate. En voici la description d’après Arthur Benoît (cité plus haut) :

L’uniforme était de couleur écarlate, doublé de velours noirs aux brandebourgs, ceinturon et boutons d’or, cocarde noire, veste couleur chamois (...). Par ordonnance du 24 février 1776, les Gendarmes Rouges eurent le rang officiel d’officiers. (...). Le château de Lunéville où a résidé Stanislas (…) et qui avait vu mourir Léopold (…) était donc en 1766 converti en caserne… c’était le point central du casernement des compagnies de la gendarmerie.

Les cavaliers sont casernés au Château, dans le quartier de l’Orangerie, les hôtels des Cadets et des Gardes. L’auteur précise :

Quelques mois après l’arrivée des gendarmes à Lunéville paru « l’ordonnance du Roi portant règlement concernant l’établissement du corps de la Gendarmerie à Lunéville, le 1er avril 1767 : Sa majesté ayant reconnu que rien n’est plus contraire à l’esprit militaire des compagnies de sa gendarmerie que leur dispersion dans différents quartiers et voulant continuer de donner à ce corps des marques particulières à sa satisfaction, en considération de ses services à la guerre et des exemples éclatants de sa valeur que présente l’histoire de la monarchie, elle a ordonné et ordonne ce qui suit : les dix compagnies seront réunies dans le Château et dépendances situé dans la ville de Lunéville et sa Majesté… ». Vers 1786, un magnifique manège vit le jour. Deux cents cavaliers pouvaient y manœuvrer.

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Manège des cadets à Lunéville. Élévations

Ainsi Lunéville est fière de posséder le plus ancien corps de la cavalerie française, qui prend rang à l’armée en faisant brigade avec la maison du roi et monte la garde devant les logements du roi. La gendarmerie est d'ailleurs visitée par tous les souverains de passage :

  • 1768, visite du roi de Danemark ;
  • 1770, passage de Marie-Antoinette ;
  • 1777, le prince Joseph II, frère de la reine de France ;
  • et le futur Louis XVIII, frère du roi Louis XVI.

Pourtant, le 2 mars 1788, Louis XVI voulant faire des économies fait paraître le licenciement de la gendarmerie. Un an après la construction du grand manège.

Le duc de Castries arrive le 8 mars 1788 afin de présider au désarmement. Le 11, les porte-étendards lisent l’ordonnance. Les gendarmes entrent dans des régiments de cavalerie ou sont réformés...La gendarmerie est supprimée par une ordonnance royale le 2 mars 1788 pour des raisons financières.

En mai 1788, les Carabiniers de Saumur, dont le grand habit est de couleur bleue, stationnent au château (1er et 7e régiments). Chaque régiment compte quatre escadrons de 150 hommes. Ils bénéficient d'une grande renommée et sont connus comme les grenadiers de la cavalerie.

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1789 à 1813 : le passage des armées

Révolution et Premier Empire

Après une période trouble de 1790 à 1791, le 15e régiment de cavalerie séjourne à Lunéville. A partir de 1792, deux dépôts de régiments de carabiniers s’installent et restent durant toutes les guerres de la Révolution et de l’Empire.

Napoléon traverse plusieurs fois Lunéville sans s’y arrêter. Marie-Louise d’Autriche y est de passage le 24 mars 1810, escortée par une garde d’honneur à cheval fournie par la ville.

Les réquisitions de 1814

Les manuscrits des Archives municipale rendent compte des réquisitions de 1814 pour la cavalerie :

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Bon pour cent cinquante paires de fer à cheval
Je vous prie de nous faire rendre compte par les maréchaux français de la quantité de chevaux qu'ils ont ferrés dans le passage d'hier afin que je puisse vous en donner une quitence et aussi de tous les autres passages de cavallerie qui se feront à Luneville.
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1816 à 1848 : les grandes manoeuvres

Le camp de cavalerie du prince de Hohenlohe

Un camp de cavalerie est inauguré le 22 mai 1824 : le prince de Hohenlohe obtient cette création pour les manœuvres et les revues d’inspection des unités de cavalerie. Le roi Charles X lui-même s’y rend pour une visite en septembre 1828...

Qui est donc ce Prince ? Il prend les armes au moment de la Révolution pour défendre la cause de Louis XVI et de son frère, le comte de Provence, futur Louis XVIII. Ce dernier le nomme chevalier-commandant des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit et lieutenant général, colonel supérieur de la légion étrangère qui prend ainsi le nom de Hohenlohe par ordonnance du 9 juin 1816. De plus, il est nommé Inspecteur de l’Infanterie. L’ordonnance lui attribue, pour toute sa vie, la partie du château de Lunéville non destinée au casernement des troupes. Il publie en 1818, à Lunéville, un ouvrage de tactique militaire.

D’après les Annales de Lunéville, ou essai historique sur cette ville (1818), adressées par Antoine-Sébastien Guerrier à "son Altesse Sérénissime le Prince Louis-Aloys d’Hohenlohe-Bartenstein, Lieutenant de armées, Inspecteur d’Infanterie, Colonel Supérieur de la Légion d’Hohenlohe" :

C’est dans ce faubourg, et derrière les casernes, qu’a été construit en 1787, pour la Gendarmerie, le Grand Manège, qui passe pour un des plus beaux de France… il sert d’école d’équitation à la cavalerie en garnison à Lunéville ; on y fait aussi le concours des chevaux.

Le prince quitte Lunéville début 1823, pour prendre le commandement du 3e corps d’armée qui pénètre en Espagne pour rétablir le roi Ferdinand VII dans son pouvoir absolu. Le retour du prince à Lunéville le 10 janvier 1824 est, pour les habitants, l’occasion de grandes réjouissances.

Il devient le premier gouverneur commandant le camp de Lunéville, où sont réunis 18 escadrons (soit 2400 cavaliers, chasseurs, dragons et cuirassiers) le 22 mai 1824. À cette époque, le ministre commande directement les régiments qu’il fait inspecter par des généraux désignés chaque année. Il les groupe en brigade, divisions ou corps temporaires. Le camp de Lunéville devient une réunion annuelle de troupes de cavalerie.

La carte postale qui illustre ce texte est inspirée d'une lithographie d'Eugène-Louis Lami, peintre, aquarelliste, illustrateur, lithographe, costumier et décorateur français reconnu pour ses élégantes scènes de genre et ses peintures de bataille. Il se fait un nom auprès de la monarchie grâce à ses dessins et à ses lithographies, et devient le chroniqueur attitré des soirées mondaines et des célébrations officielles.

Les décennies 1830 et 1840

Des grandes manoeuvres se tiennent à Lunéville... En 1833, cinq régiments de cuirassiers et six régiments de dragons sont rassemblés pour y tenir garnison, afin de prendre part à de grandes manœuvres. En août 1838, six régiments de cavalerie sont regroupés en deux brigades de cuirassiers, une brigade de lanciers et une de dragons. En 1847, la division de cavalerie de Lunéville est constituée d’une brigade (Hussards) et une autre de lanciers.

Le camp est aussi l’occasion de grands travaux : restauration de la caserne des cadets, construction de nouveaux bâtiments derrière le manège et à L’Orangerie, installation d'écuries près de l’aile gauche du château. L’Hôtel des Pages de Léopold et de Stanislas est remis en état ainsi qu’une partie du château.

Tous ces casernements ont été occupés par les Gendarmes rouges, puis par les Carabiniers de Monsieur, le Champ de Mars de Lunéville étant un des plus vastes terrains de manœuvres connus.

A noter qu'en 1838, le duc de Nemours passe par Lunéville, et en 1840 il préside à la formation de quatre régiments de cavalerie légère.

En 1848, le camp de cavalerie de Lunéville est dissout : à cette époque, les garnisons se sédentarisent...

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1850 à 1900 : le temps du prestige

Les fastes du Second Empire

Le Second Empire voit encore quelques manœuvres à Lunéville et des rassemblements de cavalerie de moindre importance. Plusieurs personnalités viennent passer en revue la garnison, dont l’impératrice Eugénie et le jeune prince impérial le 18 juillet 1866.

La statue du général de cavalerie Lasalle est réalisée en 1892 par le sculpteur Charles Henri Cordier et les fondeurs Thiébaut frères, et inaugurée le 29 octobre 1893. Commandée pour la ville de Metz, elle n'a pu, suite à l'Annexion de 1871, y être installée ; le choix s'est alors porté sur Lunéville, devenue ville frontière. Officier militaire français, le général Lasalle est connu pour ses compétences en cavalerie et pour avoir mené des campagnes militaires réussies.

La construction du manège du quartier Clarenthal débute en 1894, après l'adjudication des travaux aux dénommés Vogin et Schertzer.

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1900 à nos jours : gloire, déclin et inscription de la cavalerie dans la culture

Première et Seconde Guerre mondiale

En 1900, la 2e division de cavalerie (D.C.) est à Lunéville. A l’approche de la Guerre, les chasseurs à cheval remplacent les cuirassiers.
Le 3 août 1914, la 2e D.C. part « en couverture » à la frontière, et participe à tous les grands faits d’armes. Elle ne rentre à Lunéville que le 10 août 1919, pour le défilé de la Victoire.

Plusieurs unités de cavalerie hippomobiles sont en garnison pendant l'Entre-Deux-Guerres : 8e régiment de Dragons à la caserne de la Barollière, 31e régiment à Clarenthal, 17e régiment de Chasseurs à cheval au quartier Diettmann. Les autres unités de la 3e et 2e D.C. de Lunéville sont, elles, motorisées.

De nouveau, en septembre 1939, la 2e D.C. se porte en Alsace puis dans les Ardennes. C’est une grande unité de cavalerie partiellement motorisée. La motorisation se poursuit pendant les hostilités et la 2e D.C. devient en février 1940, la 2e Division légère de cavalerie.

La mémoire de la cavalerie après-guerre et au XXIe siècle

Après la guerre, Lunéville n’est qu’une petite garnison. L’armée française rentrant d’Algérie en 1965 grossit ses effectifs. La 8e brigade mécanisée est alors en garnison à Lunéville, et son état-major occupe le château. En 1977, des unités de la 4e division blindée augmentent encore la garnison. Le 3e régiment de cuirassiers à Chenevières perpétue le souvenir de la cité cavalière jusqu'en 1998. Au XXIe siècle, le site est occupé par la base militaire de Lunéville-Chenevières.

Chaque été, depuis 2010, Lunéville accueille un festival d'art équestre."Les Rencontres équestres" se déroulaient au château de Lunéville et ses bosquets et depuis 2020, le festival Scènes en Selle, gratuit et ouvert à tous, envahit les rues de Lunéville le temps d'un week-end. Des événements mettent en valeur la culture équestre de la ville, comme le Colloque de 2022 autour de la figure du général L'Hotte.