Histoire

La Lorraine, de la France à l'Europe

Le XIXe et le XXe siècle sont marqués à la fois par plusieurs déchirures du tissu frontalier et un grand dynamisme industriel et culturel. Les bouleversements politiques et sociaux et la place centrale de la région dans la communauté du charbon et de l'acier en font un moteur de la construction européenne.

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Le XIXe et le XXe siècle sont marqués à la fois par plusieurs déchirures du tissu frontalier et un grand dynamisme industriel et culturel. Les bouleversements politiques et sociaux et la place centrale de la région dans la communauté du charbon et de l'acier en font un moteur de la construction européenne.

La réunion de la Lorraine à la France (1766)

Stanislas le bienfaisant

Le 23 février 1766, Stanislas, roi déchu de Pologne et duc de Lorraine, meurt dans d’atroces souffrances des suites de brûlures. Aussitôt la machine visant à sceller l’union de la France et de la Lorraine se met en marche sous l’autorité d’Antoine Chaumont de la Galaizière, chancelier nommé par Louis XV dès 1737. D’un point de vue politique, il s’agit d’un non-événement. Le point de vue symbolique est tout autre.
Les Lorrains n’avaient pas vu de gaieté de cœur arriver l’aventureux Polonais.

C’est en effet en 1737 que tout s’est noué. Stanislas Leszczynski est devenu le beau-père de Louis XV en 1725 en lui donnant en mariage sa fille Marie. Depuis, le roi de France cherche à lui rendre une couronne perdue en 1718. Ne parvenant pas à ses fins, Louis XV finit par conclure un compromis : il échange l’abandon des prétentions de Stanislas au trône de Pologne contre l’annexion des duchés de Lorraine et de Bar — dont Stanislas sera souverain sa vie durant, assurant la transition. Le duc de Lorraine, gendre de l’Empereur, renonce à ses terres ancestrales pour la Toscane.


En 1766 donc, les duchés de Lorraine et de Bar deviennent une province française presque comme les autres. Il ne reste des ducs qu’un palais à Nancy, et de Stanislas que le souvenir ému d’une quantité de bienfaits et d’une philosophie politique des Lumières.

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Thionville, verrou de la Révolution et de l'Empire (1892-1814)

L'autel de la Patrie et le général Hugo

Ville-frontière, Thionville connaît sous la Révolution française et l’Empire un destin marqué par trois sièges importants : 1792, 1814 et 1815. Celui de 1792 voit s’affronter 5 000 hommes contre une coalition de plus de 40 000. Thionville devient alors le symbole de la Nation résistante face à l’oppresseur royaliste. Les conquêtes suivantes lui rendent sa stabilité en déplaçant la frontière française plus loin au Nord et à l’Est.
 
La guerre revient en 1814, sous le commandement de Joseph Hugo, père de Victor, général d’Empire spécialiste de la répression des soulèvements. Il organise la résistance aux troupes prussiennes pendant plus de trois mois, alors même qu’il impose à la population de sévères restrictions. Quand il finit par capituler, c’est pour mieux reprendre les armes pendant les Cent-Jours. Il ne se rend qu’en octobre 1815, soit plus de cinq mois après la capitulation définitive de Napoléon.


De cette époque subsiste l’autel de la patrie. Érigé pour le cinquième anniversaire de la fondation de la République, il s’agit d’un obélisque de calcaire jaune portant une inscription commémorative de « la Révolution et des conquêtes du peuple français » et un œil entouré de rayons. Ce symbole, à la fois chrétien et maçonnique, renvoie à l’influence des philosophes des Lumières. De nombreuses cérémonies citoyennes et patriotiques se sont déroulées devant l’autel jusqu’en 1810, date à laquelle il a été transféré au cimetière Saint-François. Sa localisation actuelle place Claude-Arnoult date de 1945.

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La bataille de Borny (1870)

L'une française, l'autre allemande

Une guerre éclate en 1870 entre la confédération allemande entraînée par la Prusse et le comte Bismarck et la France. Très vite, la supériorité allemande est évidente. Elle se concrétise par des victoires prussiennes au mois d’août dont l’aboutissement est la capitulation de la France à Sedan le 1er septembre 1870.

L’Alsace et la Lorraine, convoitées par les Prussiens deviennent des territoires annexés avec la signature du traité de Francfort le 10 août 1871.  Dès lors, le terme “Alsace-Lorraine” désigne spécifiquement les territoires annexés, la difficulté étant de trouver un terme pour désigner tout le département du Bas-Rhin, mais seulement une partie de la Moselle, de la Meurthe, des Vosges et du Haut-Rhin. 

L’annexion entraîne un antagonisme franco-allemand durable qui se manifeste entre autres par une imagerie revancharde et engagée présente sur de nombreuses cartes postales et réinventant au passage un folklore régional mélancolique.

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Alsacienne et Lorraine à la Frontière

L’annexion a aussi pour conséquence un exode important d’entrepreneurs et de Français convaincus, appelés « optants »,  principalement vers Nancy. Cette dernière devient alors subitement la capitale de l’Est de la France, ce qui profite grandement à son essor économique et culturel.
Durant toute la durée de l’annexion (jusque 1918), Lorraine française et Reichsland Elsaß-Lothringen existent de manière indépendante, l’une franchement germaniste, l’autre devenant le fer de lance du patriotisme français.

 

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L'École de Nancy rayonne sur l'Art nouveau (1901)

L'art à la portée de tous

Peinture, sculpture, affiches, reliures, mobilier, verrerie, ferronnerie, céramique, bronze, cristal… les artistes-entrepreneurs réunis à Nancy à la toute fin du XIXe siècle ambitionnent de révolutionner les arts décoratifs en mettant le beau à la portée de tous. Sur le modèle du mouvement anglais des Arts & Crafts, dont William Morris est le principal représentant, Émile Gallé, Victor Prouvé, Antonin Daum, Louis Majorelle, Jacques Gruber et les autres s’inspirent du végétal et de l’histoire.

Mêlant recherche artistique et technique, dessin et artisanat, inspiration personnelle et besoins commerciaux, les oeuvres nancéiennes envahissent les salons artistiques... et les salons lorrains.
Une association formelle est conclue en 1901 seulement, sous le nom d’ “École de Nancy”. Victor Prouvé y succède à Émile Gallé en 1904. Cette floraison est glorieuse mais éphémère : dès les années 1920, le goût a changé, de l’Art nouveau tout en courbes et en végétation, il est passé à l’Art déco, plus géométrique et minéral.

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Grande exposition d'art français organisée dans les magasins de la Maison Majorelle Rue Saint Georges Nancy du 22 février au 7 mars 1908
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Un bastion industriel (1918-1940)

Sports et sidérurgie

« L'Est de la France » fait place à l'Alsace et la Lorraine, rendues au territoire national par la fortune des armes et le traité de Versailles de 1919. Les frontières sont abolies, et une vie régionale peut désormais s'organiser. 

L'industrie sidérurgique tourne à plein, alimentée par l'arrivée massive de travailleurs italiens qui font souche en Moselle et dans le Pays-Haut. Les Vosges continuent de faire fleurir le textile et le papier. C’est le temps des cercles d’éducation et des unions sportives, liés à une commune ou une entreprise, ainsi que des luttes sociales.

Mais la proximité de la frontière allemande rend prudent. La ligne avancée de défense, conçue par le général Maginot et exécutée à partir de 1930, dans les environs mêmes où sont édifiés les monuments aux morts et les ossuaires de la Première Guerre mondiale, est inutile devant la tactique employée par l’ennemi en 1939. L’occupation et l’annexion des territoires ravivent des blessures anciennes. 

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Le berceau de l'Union européenne (1950)

Robert Schuman, le « Père de l'Europe »

Personne autre que Robert Schuman (1886-1963), né à Luxembourg et établi à Scy-Chazelles près de Metz, ne pouvait porter plus haut le désir de construction européenne qui entraîne les cœurs après les deux guerres mondiales. Etudiant allemand puis parlementaire français, il épouse la cause de Jean Monnet dans les négociations postérieures à 1945.
Le 9 mai 1950, il publie une déclaration proclamant la coopération franco-allemande pour la production du charbon et de l'acier, comptant que la mise en oeuvre de structures économiques communes précéderont l'apaisement politique et l'alliance des peuples. La CECA est suivie en 1957 par le traité de Rome qui crée la Communauté économique européenne, aux compétences élargies et regroupant six pays, liée à Euratom (communauté européenne de l'énergie atomique).


Robert Schuman est élu tout premier président de l'Assemblée parlementaire européenne, prévue par le traité de Rome, en 1958. À la fin de son mandat, il est déclaré « Père de l'Europe ». 


En 1985, c'est à Schengen, une commune luxembourgeoise située à 4 km de Sierck-les-Bains, limitrophe à la fois de la France et de l'Allemagne, qu'est signé le traité de libre circulation des populations européennes, ajoutant une pierre à l'édifice construit par Robert Schuman.