Histoire

L'Académie royale des sciences et belles-lettres de Nancy

Stanislas caresse depuis longtemps le projet de créer une société savante réunissant les plus beaux esprits pour l'amélioration des sciences et des arts. Les conditions lui semblent réunies pour mener à bien cette intention en Lorraine, vers 1750, avec l'appui du comte de Tressan et du chevalier de Solignac.

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Stanislas caresse depuis longtemps le projet de créer une société savante réunissant les plus beaux esprits pour l'amélioration des sciences et des arts. Les conditions lui semblent réunies pour mener à bien cette intention en Lorraine, vers 1750, avec l'appui du comte de Tressan et du chevalier de Solignac.

Un projet ducal

Une Académie lorraine

 Le projet de fonder une académie des sciences, lettres et arts n'est pas une idée neuve en Lorraine. Le duc Léopold (1697-1729), grand admirateur de son oncle par alliance Louis xiv, avait annoncé la création d'une académie léopoldine vers 1706. Stanislas lui-même, durant son séjour au château de Chambord entre 1725 et 1733, parlait déjà de cette idée, bien dans l'esprit des Lumières.
 
Une académie est une institution composée de membres choisis pour leurs compétences et leur exemplarité dans le domaine artistique, littéraire ou scientifique. Il s'agit d'une société savante dont le but est de faire avancer les connaissances en encourageant la production et la recherche via des concours, des prix et des publications. En France au xviie siècle ont été créées l'Académie française (1634), l'Académie royale de peinture et sculpture (1648), puis l'Académie des inscriptions et belles-lettres (1663) et celle des sciences (1666). Partout en Europe fleurissent des académies directement inspirées ou rapidement placées sous le patronage des dirigeants politiques.
 
Il est évident que Stanislas, en souverain éclairé, entouré d'esprits brillants, souhaite offrir à la Lorraine cet outil intellectuel propre à améliorer les connaissances et l'éducation de son peuple. Il s'appuie sur le comte de Tressan (1705-1783), lui-même membre de l'Académie royale des sciences en France, et sur le chevalier de Solignac (1684-1773), son secrétaire, pour réaliser son dessein.

La Bibliothèque publique est un instrument pédagogique au service de la Société royale : le secrétaire perpétuel sera aussi bibliothécaire, il recevra notamment les ouvrages qui seront soumis à l'examen des membres pour l'obtention des prix et les mettre à disposition. Ainsi, la collection constituée sera utile non seulement aux académiciens pour conduire des travaux et en débattre, mais aussi aux candidats pour se former et améliorer leurs productions grâce à la lecture d'ouvrages utiles et à jour des dernières avancées scientifiques.

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Les premiers académiciens (1750-1751)

Des membres de la cour de Lunéville

 Les premiers académiciens sont ainsi les 5 censeurs chargés de décerner les prix, leur directeur et le secrétaire perpétuel de l'Académie, qui n'est autre que le chevalier de Solignac, émissaire du roi Stanislas. Le directeur est élu annuellement parmi ses pairs, sauf le premier, Monseigneur de Choiseul, qui a été nommé par Stanislas. Lui succèdent des personnages éminents de la cour (Custine, Bressey, Thibault de Monbois) en alternance avec des scientifiques (Tressan, O'Heguerty, le père de Menoux).
 

Le terme d'académie figure pour la première fois dans le décret de création de la Société royale des Sciences et lettres de Nancy promulgué le 27 décembre 1751. Mais dès la première réunion des censeurs de la Bibliothèque publique, le 15 février 1751, soit presque un an plus tôt, un proche de Stanislas comme Nicolas Durival emploie tout naturellement ce mot. Les membres emploient aussi communément le terme de Lycée pour désigner leur assemblée, du nom de l'école fondée par Aristote à Athènes, qui regroupait recherche scientifique et formation des jeunes.
 
Parmi les éminents membres étrangers de la Société, on compte dès l'origine le philosophe Montesquieu (1728-1755), mais ni le physicien Réaumur (1683-1757), à qui pourtant avait été soumis le projet initial, ni surtout Voltaire (1694-1778), pourtant régulièrement reçu à la cour de Lunéville. En effet, il semblerait que la candidature de celui-ci, portée par son ami le comte de Tressan, ait été diplomatiquement rejetée par le roi Stanislas afin de ne pas fâcher son gendre, le roi de France Louis xv, qui avait interdit de séjour le philosophe sur ses terres, ni le roi de Prusse, dont Voltaire était le proche conseiller. En revanche, La Condamine (1701-1774), à qui l'on doit l'introduction du quinquina et du caoutchouc, mais surtout la détermination du mètre à partir de la mesure du méridien effectuée lors d'une expédition au Pérou, fait bien partie des membres de l'académie.

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La Société royale des Sciences et belles-lettres de Nancy (1752-1793)

Une société savante des Lumières

 Le fonctionnement de l'académie repose sur son secrétaire perpétuel. C'est lui qui est chargé de tenir les registres des séances privées et publiques et d'organiser ces dernières, auxquelles assiste le roi Stanislas jusqu'en 1760, avec la solennité appropriée. Il assure l'ordinaire de la société : entretenir la correspondance avec les autres académies et les scientifiques, garder le sceau et les archives, prononcer les éloges funèbres. Il s'y ajoute une mission éditoriale, puisqu'il doit préparer les mémoires de la société pour l'impression ; ainsi, il est amené à retoucher les discours et les ouvrages des lauréats. Enfin, il est le conservateur de la Bibliothèque publique : il en choisit les livres parmi les propositions des censeurs, leur soumet les achats pour validation, et s'assure que le catalogue soit rédigé et les collections accessibles aux lecteurs. À Solignac succède Esprit Pierre de Sivry (1733-1792).
 
 La Société de Nancy se distingue de la plupart des autres académies françaises et européennes par deux dispositions édictées par Stanislas, auxquelles les académiciens de l'Ancien régime ne parviennent pas à déroger.

  • La première est le libre choix des sujets d'ouvrages pour lesquels les candidats peuvent concourir : l'académie se prive d'exciter la concurrence pour l'amélioration des connaissances sur un thème particulier, mais s'assure de recevoir chaque année au moins une dizaine de manuscrits portant sur toutes les thématiques, depuis les éloges du philosophe bienfaisant jusqu'aux inventions mécaniques dont celui-ci est particulièrement friant.
  • La seconde est la limitation des candidats à leur origine ducale. Ainsi, en 1760, un secrétaire de l'église de Toul, pourtant désigné premier prix dans la phase d'examen à l'aveugle de son travail, n'est finalement pas couronné parce qu'il… n'est pas lorrain, étant des Trois-Evêchés ! La conséquence en est la relative médiocrité des textes reçus.

Des prix spéciaux sur sujet imposé permettent par la suite de contourner ces limitations. Mory d'Elvange (1734-1794), lauréat en 1783, finance avec son prix un nouveau prix « de physique ou d'économie », et l'intendant Delaporte ouvre au monde entier, sans distinction, le prix pour un mémoire sur le développement et l'usage des mines de charbon en 1786.
 

Dissoute comme les autres sociétés littéraires le 14 août 1793, la Société royale renaît péniblement dès 1802 à partir du comité des professeurs de l'école centrale départementale.