Histoire

Les canaux en Lorraine

Le canal a une image sombre et nonchalante... Lieu de prédilection pour faire disparaître un corps dans les thrillers, il temps de mettre en lumière cet ouvrage technique qui a contribué à l’aménagement de la Lorraine. 

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Le canal a une image sombre et nonchalante... Lieu de prédilection pour faire disparaître un corps dans les thrillers, il temps de mettre en lumière cet ouvrage technique qui a contribué à l’aménagement de la Lorraine. 

Les canaux, toute une histoire !

Un canal, des canaux

Connaissez-vous la différence entre un canal et un fleuve ? Le fleuve est un cours d’eau naturel, alors que le canal est une voie navigable artificielle. Il peut permettre de relier deux rivières qui n’ont pas de confluent ou qui sont séparées par le relief. En France, la navigation sur cours d’eau naturel est possible, car elle possède de nombreux fleuves en plaine. Le canal vient compléter ce réseau des rivières.

Le patrimoine des canaux est un peu oublié de nos jours, le transport par voie d'eau ayant connu son apogée au XXe siècle. Éloigné des villes et souvent confondu avec la rivière, le canal se fait discret. Absent des zones très montagneuses, il est surtout présent en France dans le Centre, le Nord et dans l’Est. Avec l’Angleterre, la France est l’un des pays les plus dotés en canaux artificiels.

Les premiers travaux d’aménagement des voies navigables commencent sous Louis XIV, notamment pour réguler les débits d’eau. Des canaux latéraux sont créés en parallèle des portions plus difficiles également. On construit également des canaux de jonction permettant de relier des bassins fluviaux voisins comme par exemple le canal de la Marne au Rhin. Les écluses à sas et les canaux à bief de partage vont révolutionner le transport par voies d’eau. Les écluses grâce à leur sas permettent de varier le niveau de l’eau, permet aux bateaux de franchir des dénivellations. Les canaux à bief de partage permettent de relier deux vallées en franchissant un seuil (exemple : le canal de la Marne au Rhin).

Le bassin parisien et le Nord-Est sont les deux régions les plus aménagées pour le transport de marchandises telles que la houille, le bois, les vins ou les matériaux de construction.

Si la navigation par voie navigable suscite de l’intérêt et de nombreux projets, ils sont vite revus à la baisse car les voies ne sont pas uniformisées et il faut sans cesse changer de bateau et déplacer les marchandises d’une péniche à l’autre. La durée du transport était longue et le tonnage trop faible. Le tonnage étant la capacité d'un navire de commerce évaluée en tonneaux.

Charles de Freycinet, ministre des travaux publics (1877-1879), entreprend une uniformisation du réseau pour faciliter la navigation : taille des écluses, largeur, tirant d’eau. Son nom vous dit peut être quelque chose, car il a laissé son nom aux péniches qui correspondent à ce gabarit. Au XXe siècle, le programme de Freycinet est délaissé de plus en plus. La Première Guerre mondiale met un coup d’arrêt au développement des voies navigables, qui, même s’il reprend timidement après la guerre est mis à mal par l’essor de l’automobile.

En 1950, La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier demande au gouvernement d’étudier la canalisation de la Moselle de Thionville à Coblence. Les travaux sont terminés en 1964. Une autre portion voit le jour en 1979 jusqu’à Neuves-Maisons via Toul. On peut y naviguer avec des péniches de gros gabarit de 900 à 1500 tonnes.

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La navigation

Il va t'arriver des bricoles !

Afin de faire avancer les péniches le long des fleuves et des canaux, le long des tunnels, sous les ponts et quand l’usage de voiles n’est pas possible, la traction des bateaux était nécessaire. La traction des bateau est appelée «halage». 

Le halage dit « à la bricole » est le plus ancien permettant de tracter par voie terrestre les péniches. Ce halage est effectué par l’homme, placé dans un harnais que l’on nomme bricole. À l’aide d’un tissu placé aux épaules relié à une corde appelée fintrelle, les hommes et les femmes attelés pouvaient tracter le bateau. 


Cette technique permettait de parcourir environ 12km par jour en moyenne. Il est difficile d’estimer la vitesse de transport par voie d’eau car tout dépend de la section de canal parcourue. Comporte-t-elle des ponts ? des écluses ? des souterrains ? 

Le halage à la bricole (ou halage humain) décline au début du XXe siècle. 
 

Hue dada !

Pendant toute la première moitié du XXe siècle le halage animal va remplacer le halage humain. Les fleuves et les canaux étant de mieux en mieux aménagés, les voies de halage sont devenues plus régulières et ont permis l’attelage de mulets et de chevaux. Le développement de cette technique entraine la création de bateaux-écuries, mais aussi de compagnies de charretier se relayant sur les tronçons. Les bateaux-écuries permettaient de loger 2 chevaux à l’arrière. 

Une fois sur le chemin de halage les chevaux étaient harnachés avec un collier, une sous-ventrière et des œillères notamment. Cette technique de halage permettait de parcourir environ 23 km par jour. 

En 1935, une péniche en bon état valait entre 25 et 30 mille francs. Deux bons chevaux en coutaient 4 000. Les animaux étaient choyés, leur perte était à la fois un chagrin, mais également une lourde perte financière. Les gendarmes contrôlaient les chevaux sur les chemins de halage, pour vérifier que le harnais ne leur laissait pas de trace et qu'ils étaient bien traités. 

La force déployée par le halage humain et animal peut paraître insuffisante, mais il faut en définitive assez peu d’énergie pour déplacer un corps flottant, même s’il pèse plusieurs tonnes. 

Vers l'infini et les automoteurs

Peu à peu les chevaux vont laisser la place à la traction électrique. En 1936, la traction électrique sur rails devient obligatoire sur tous les réseaux qui le permettent. Cette transition permet de passer à une vitesse de 5 km par heure. Des stations tous les 10 ou 20 km permettaient cet acheminement électrique. Un surveillant établissait un graphique afin d’indiquer la position des bateaux pour les conducteurs des tracteurs du lendemain. 

L’apparition des automoteurs après la Seconde Guerre mondiale, précipite la fin des tracteurs électriques, qui disparaissent pour de bon dans les années 1970.   

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Les canaux lorrains

Le canal de l'Est

Les travaux pour le Canal de l’Est débutent en 1874. Il est ouvert à la navigation en 1880. Il comporte deux branches. Le canal de la Meuse est la banche nord du canal de l’Est, d’une longueur de 272 km, il est équipé de 59 écluses. Permettant de relier la branche nord à la branche sud, la Moselle canalisée et ses 22 km relie Toul à Neuves-Maisons. Enfin le canal des Vosges de Messein à Golbey est la banche sud du canal de l’Est. C’est un canal latéral à la Moselle, long de plus de 121 km. 

Le canal de la Marne au Rhin

Pas moins de 160 écluses rythment la navigation sur ce canal de 314 km de long reliant Vitry-le-François à Strasbourg. Il franchit deux biefs de partage des eaux (celui de Mauvage, entrée les vallées de la Meuse et de la Moselle, et celui des Vosges entre les vallées de la Meurthe et de la Zorn), il comporte également quatre tunnels, et un plan incliné (celui d’Arzviller). Ce canal n’emprunte jamais le lit des rivières et des ponts-canaux sont utilisés lorsqu’il doit en franchir. 


La construction de ce canal a souffert de la construction parallèle de la ligne de train Paris-Strasbourg, qui a failli mettre à mal l’avancée des travaux. Il est alimenté par des stations de pompage prenant l’eau de la Meuse, de la Moselle ou des étangs à proximité. 
 

La Moselle navigable

La Moselle qui prend sa source dans les Vosges est navigable à partir de Neuves-Maisons. Trois grands ports sont aménagés en bord de Moselle navigable : Thionvile-Illange, Metz et Frouard.  

 

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La croisière (fluviale !) s'amuse

Bateaux de plaisance et guinguette !

À la fin du XXe siècle, l’Europe va favoriser les trains, plus rapides et permettant aux entreprises de travailler avec un stock en flux tendu afin de limiter les frais. Le transport de marchandises s’est alors beaucoup amenuisé. Les canaux deviennent un lieu de plaisance pour les cyclistes qui empruntent les anciennes voies de hallage et pour les plaisanciers qui profitent des retenues d’eau alimentant les canaux (comme le lac de Bouzey par exemple). Les guinguettes et les campings se multiplient autour des retenues d'eaux destinées à alimenter les canaux. 

Les bateaux de plaisance sont de plus en plus nombreux à naviguer sur les canaux de Lorraine. La fermeture des usines et des carrières faisant diminuer largement le tonnage transporté par voie d’eau. La navigation reste tributaire des conditions météorologiques, des crues et des accidents qui retardent l’ensemble des bateaux, cela explique aussi pourquoi peu à peu les véhicules ont remplacé les bateaux de marchandises. Les canaux restent un patrimoine remarquable grâce notamment à leur valeur historique, artistique, architecturale mais aussi comme mémoire de métiers et de pratiques maintenant disparus.