-
- Les origines
- L'apparition du crâne dans l'art
Crânes, tibias croisés et chauve-souris accompagnent souvent les diverses représentations de la mort. Partez à la découverte de ces symboles en vous immergeant dans l'art macabre !
Crânes, tibias croisés et chauve-souris accompagnent souvent les diverses représentations de la mort. Partez à la découverte de ces symboles en vous immergeant dans l'art macabre !
L'apparition du crâne dans l'art
L’utilisation des crânes dans l’iconographie macabre trouve son origine dans le Memento mori qui remonte à l’Antiquité. Ce proverbe romain signifie « Rappelle-toi que tu es mortel ». L’expression serait issue d’une tradition romaine durant laquelle un jeune serviteur rappelait à son général victorieux, lors d’un défilé, qu’il connaîtrait lui aussi la mort malgré son succès. Il lui chuchotait « Respice post te, Hominem te esse memento. Memento Mori ! » (« Regardez derrière vous, n’oubliez pas que vous n’êtes qu’un homme. N’oubliez pas que vous allez mourir. »).
Ainsi, le Memento mori invite à se détourner des distractions que le monde terrestre offre : il fait réfléchir à la vanité des choses de la vie qui seront vite rattrapées par la mort. Le Memento mori s’impose sous forme de philosophie dans l’Europe médiévale : c’est une pratique qui consiste à réfléchir à la brièveté de la vie.
Au XVe siècle, l’utilisation du crâne se retrouve beaucoup dans l’art chrétien à travers des scènes religieuses comme la Crucifixion : on peut voir un crâne aux pieds du Christ qui renvoie au passage de la mort à la Résurrection. Le crâne peut en effet être vu comme symbole de renaissance spirituelle : en tant que partie impérissable du corps, il renferme en lui l’âme et incarne la mort physique par laquelle il faut passer pour atteindre un niveau spirituel supérieur.
Dans cette estampe issue du livre Emblèmes, ou devises chrestiennes (1571), l’idée de résurrection se manifeste par Jésus, sur le point de faire revenir un mort à la vie. Ce dernier est accompagné par des crânes, des os et des outils de fossoyeur.
Mais on ne peut mentionner « crâne » sans y ajouter « vanité » ! L’art du Memento mori se retrouve également dans les églises afin d’inviter les fidèles à méditer sur la mort et le temps qui passe : cela permet de les motiver à dédier le reste de leur vie à des actions vertueuses. Le terme de « vanité » prend sa source dans l’Écclesiaste (ch. 1 v. 2) : « Vanitas vanitatum et omnia vanitas », ce qui signifie « Vanité des vanités et tout est vanité ».
Vers 1620, le genre pictural de la Vanité, fortement influencé par le Memento mori, arrive et se répand en Europe tout au long du XVIIe siècle : il représente la mort de façon allégorique par le biais du crâne associé à des objets du quotidien comme le sablier. On peut y trouver des natures mortes mais aussi des personnages qui méditent, la main posée sur un crâne. Toujours au XVIIe siècle, le crâne devient l’attribut de certains saints comme saint Jérôme et saint François d’Assise.
Le crâne et ses dérivés : quelques exemples
Toutefois, le crâne peut être représenté sous plusieurs formes : on connaît la fameuse tête de mort aux tibias croisés présente sur les fioles de poison. Retrouvé dans des tombes chrétiennes durant le Moyen Âge, ce symbole a été repris par les pirates pour illustrer leur pavillon noir, connu sous le nom de « Jolly Roger ». Ces derniers ont complètement détourné la signification du Memento mori : contrairement aux chrétiens, ils refusent de se plier à une vie vertueuse en choisissant une carrière courte mais pleine d’aventures et de transgressions. Le crâne peut alors rappeler la brièveté de leur vie qui est tout de même trépidante.
La place de la chauve-souris dans l’iconographie funèbre remonte au XIIIe siècle. Ses ailes membraneuses étaient couramment utilisées pour représenter des figures diaboliques comme les démons et les anges déchus.
Au XVIIIe siècle, on note l’apparition de crânes avec des ailes de chauve-souris sur des faire-part d’enterrement. Sur cette invitation à un service funèbre, on discerne également des larmes aux côtés du crâne ailé, dans l’ornement de l’initiale. Les larmes tirent leur origine des reliures de deuil, notamment de celles réalisées pour Catherine de Médicis après la mort du roi Henri II, en juin 1559. Dans sa bibliothèque personnelle, beaucoup de livres à la reliure ornée de larmes ont en effet été retrouvées. Mais pourquoi des larmes ?
L’écrivain Brantôme, vers 1540, écrit sur le deuil de la Reine : « Les gouttes d’eaue et de larmes monstrent bien leur ardeur, encor’ que la flamme soict estainte ». Suite à cela, les larmes deviennent l’un des emblèmes de la Reine et se retrouvent sur les dessins, les estampes, ou encore les arts décoratifs.
La symbolique du crâne dans l'art contemporain : l'exemple de Roland Grünberg
Roland Grünberg, graveur lorrain de grande renommée, a été fortement inspiré par l’iconographie macabre pour certaines de ses œuvres. Il joue notamment avec le symbole du crâne en l’exploitant de diverses manières.
L’artiste met ici en scène un vers issu du poème « Spleen » de Baudelaire (Les Fleurs du Mal, 1868). Cette jeune femme qui baise le sommet du crâne fait penser au thème « Jeune fille et la Mort » dans lequel la beauté d’une femme est confrontée à la laideur crue d’un squelette.
Cette gravure représente l’univers du Théâtre de la mort de Tadeusz Kantor : ce dernier, dans son œuvre, imagine que les morts prennent possession des acteurs pour diffuser leurs paroles. Les trépassés et les vivants sont ainsi mêlés, comme cet homme qui semble prisonnier du crâne.
Né dans une famille juive originaire de Pologne, Roland Günberg a connu la guerre et le nazisme qui l’ont inspiré pour son art. Dans cette estampe, la monstruosité morale d’Hitler est incarnée de manière physique par un crâne qui a pris la place de son visage.