Histoire

Tous en selle : une histoire du vélo à Épinal

Autrefois siège de l’une des plus importantes fabriques de vélos du Grand Est, la ville d’Épinal ne cesse d’entretenir encore aujourd’hui le lien ancien qui la lie avec les cycles en tous genres.

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Autrefois siège de l’une des plus importantes fabriques de vélos du Grand Est, la ville d’Épinal ne cesse d’entretenir encore aujourd’hui le lien ancien qui la lie avec les cycles en tous genres.

Les activités vélocipédiques

Le véloce-club spinalien

L’origine du vélo remonte à 1861. Pierre Michaux, un carrossier parisien, et son fils Ernest, ajoutent des pédales à la roue avant d’une draisienne. Au fil des innovations, le vélocipède conquiert autant des populations des classes moyennes que d’intellectuels, membres de la gentry.


Les premiers véloce-clubs (clubs cyclistes) apparaissent dès la fin des années 1860. Quant à l’Union vélocipédique de France – ancêtre de la Fédération française de cyclisme créée en 1940  –, elle est créée en 1881. La ville d'Épinal accueille son premier - et seul - véloce-club spinalien en 1888. Celui-ci est constitué sur le modèle des véloce-clubs voisins : le véloce-club nancéien et le cycliste-club lunévillois, fondés quelques années auparavant.

Les courses de vélos

À Épinal, la première course de vélos est organisée le 2 juillet 1888, par le véloce-club nancéien et le cycliste-club lunévillois. Le parcours est le suivant : de l’avenue des Templiers jusqu’à la rue du Cours. Les amateurs et les curieux peuvent admirer les « vélocemens » depuis des gradins installés le long du parcours. Cependant, les tribunes ne rencontrent pas le succès escompté et demeurent dégarnies ; la foule préfère border massivement la piste, au plus près des cyclistes. La course est divisée en plusieurs catégories en fonction du type de vélo, ce qui fut par la suite la norme : bicycles, bicyclettes, parfois tricycles, handicap, course avec championnat. Quelques exercices de voltige et d’équilibre concluent souvent l’évènement.

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Épinal, courses vélocipédiques du 7 Juin 1903

Face au succès de cette première course, la ville d’Épinal, avec le concours du nouveau véloce-club spinalien, organise d’autres courses vélocipédiques qui deviennent rapidement annuelles. La majorité de ces courses prennent place sur le Petit Champs de Mars, pour des raisons de praticité. 

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Épinal, Champ de Mars, course de vélo

Les rafraîchissements ont très peu le goût de l’eau : liqueurs, bouteilles de champagne et bières remplissent les étalages des buvettes. Quant aux récompenses, elles sont de diverses natures et diffèrent en fonction du nombre d'inscrits, de la célébrité de la course et des éventuels sponsors : argent (50, 100, 200 francs...), objets d’arts, vélos…

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L'industrie spinalienne du vélo

Création d'une manufacture de vélos à Épinal

L’histoire débute en 1919. Les frères Serrus et Harduin s’associent afin de fonder une manufacture de vélos Quai des Bons Enfants à Épinal. Il est alors temps pour la ville d’Épinal de se doter d’une véritable fabrique de vélos. Le nombre de cyclistes amateurs ne cesse d’augmenter ; le véloce-club spinalien continue d’accueillir de nouveaux adhérents. Les « Cycles Serrus » acquièrent d’ailleurs rapidement du succès, à tel point qu’ils manquent bientôt de place. Les locaux de la fabrique deviennent très vite trop petits pour abriter l’ensemble de leur collection de cycles. Ils déménagent alors au 14 rue du Général Haxo, près de la Gare d’Épinal. Une véritable usine à vélo, accueillant près de 40 ouvriers à l’année, rompus au taylorisme, est construite : 3 grands bâtiments et près de 1500 m2 de superficie totale.


Chaque jour, environ 25 bicyclettes en tous genres y sont fabriquées entièrement, du cadre au dérailleur : que ce soit des bicyclettes « spéciales courses » ou des bicyclettes classiques. Chaque amateur de cyclisme y trouve son bonheur. En outre, la proximité avec la Gare d’Épinal permet aux « Cycles Serrus » d’exporter facilement en dehors de la Lorraine. Si ces exportations se font surtout à l’échelle nationale, elles s’opèrent aussi ponctuellement à l’étranger. Le Luxembourg bénéficie ainsi de l’expertise des industriels spinaliens.


« Cyclistes, exigez partout les Cycles Serrus ! »


Cette injonction se retrouve dans à peu près tous les encarts réservés aux publicités des périodiques régionaux de l'époque. Pourtant, nul besoin de campagnes publicitaires, les « Cycles Serrus » sont largement plébiscités. Le nombre de cyclistes courant avec des vélos de la marque Serrus atteste de ce succès. La qualité des « Cycles Serrus » se comprend par un processus de fabrication rigoureux : découpage, ajustement, assemblement, brasage, sablage, nickelage, émaillage, décoration…


La marque acquiert sa reconnaissance grâce à sa participation aux divers Salons nationaux du Cycle et de l’Automobile. Seule marque régionale à être représentée à cette exposition internationale, elle est logiquement la fierté des Spinaliens. Et ce d’autant plus que les armes d’Épinal ornent le logo de la marque. De même, les « Cycles Serrus » remportent diverses courses vélocipédiques nationales et régionales. Cela encourage nombre de cyclistes à s’emparer des différents modèles de la marque afin notamment de s’assurer les premières places dans les courses à venir. En conséquence, cela crée un cercle vertueux d’offres et de demandes. Et la manufacture des « Cycles Serrus » devient rapidement l’une des plus importantes fabriques de vélos de l’Est de la France. La ville d’Épinal leur décerne un diplôme d’honneur, en 1924, lors de la Foire d’Épinal, consacrant leur excellence dans l’industrie du vélo.

Aujourd'hui, la manufacture des "Cycles Serrus" n'existe plus. Toutefois, les amateurs de vélos continuent à arpenter les forums et autres vides greniers dans le but de dénicher une pépite : une bicylette estampillée des armes d'Épinal.

 

Sources

"Épinal : courses vélocipédiques", Le Mémorial des Vosges, 3 juillet 1888, p.3.

Léon Louis, Annuaire départemental des Voges, Épinal, 1889, p. 220.

"La vie sportive : Grand Prix Serrus", L'Express de l'Est, 29 mai 1925, p.3.

"Une visite aux ateliers des Cycles Serrus Frères et Harduin", L'Est Républicain, 14 juin 1925, p.3.

 

Bibliographie

Catherine Bertho-Lavenir, Voyage à vélo, du vélocipède au Vélib', cat. exp. (Paris, Galerie des Bibliothèques, 13 mai 2011 - 14 août 2011), Paris : Paris bibliothèques, 2011.

Christian Hamel, "Histoire du vélo" dans L'Encyclopédie des Arts du cirque [en ligne], BNF-Centre national des Arts du Cirque, 2016-2020 [consulté le 27 juin 2023].