Histoire

Fabriques en territoire lunévillois

Le territoire de Lunéville à Baccarat a une tradition de savoir-faire d’exception riche, précieuse et unique, qui s'est fortement développée à partir du XVIIIe siècle mais puise ses racines bien plus tôt encore, dont Baccarat est le fleuron.

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Le territoire de Lunéville à Baccarat a une tradition de savoir-faire d’exception riche, précieuse et unique, qui s'est fortement développée à partir du XVIIIe siècle mais puise ses racines bien plus tôt encore, dont Baccarat est le fleuron.

Travail de la pierre

Carrières et tailleurs de pierre

De magnifiques témoignages de l’ancienneté de l’extraction et de la taille des veines de grès à Voltzia ou « pierre de sable » qui composent le sous-sol du territoire nous sont parvenues grâce au sanctuaire des Sources d’Hercule à Deneuvre (Ier au IVe siècle). Les fidèles offraient statues ou stèles, réalisées dans des ateliers locaux, en remerciement des bienfaits obtenus. On trouve aussi de nombreux vestiges de lieux d’extraction, bien qu’il soit difficile d’en situer les périodes d’exploitation.  

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Bas relief gallo romain trouvé à Deneuvre représentant des scieurs de long

Plus près de nous, sur les communes de Merviller et Vacqueville, plusieurs carrières se sont développées dès le début du XVIIIe siècle et ont été en activité jusque dans les années 1950. La plus importante, la Carrière Birolleau, fournissait des éléments de construction (moellons et pierres de tailles) qui, pour certains, ont été intégrés dans la construction du Château de Lunéville et plus tard de l’Hôtel de Ville de Baccarat. Grande fournisseuse d’emplois au XIXe siècle, elle s’est lancée dans la production de meules en pierre destinées à l’affûtage des objets métalliques mais aussi à la taille du verre et du cristal. Preuve de son dynamisme, en 1895 elle est directement reliée à la voie ferrée Badonviller/Baccarat.

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Faïenceries

Faïences de Lunéville

La faïencerie de Lunéville est fondée par Jacques Chambrette en 1730, et contribue à relancer l’économie d’un territoire dévasté par les guerres et les épidémies. Elle est rachetée en 1786 par Sébastien Keller et Charles Guérin. À la fin du XIXe siècle, elle se dote d’un atelier d'art qui attire des artistes tels Edmond Lachenal, Louis Majorelle ou encore Alfred Renaudin … qui créent des pièces exceptionnelles. Les faïences s'exportent dans de nombreux pays, pourtant le déclin, dû en partie à la concurrence étrangère, entraîne la fermeture de l'établissement en 1983.

décor de F. AUbert
Fayence de Lunéville

Parallèlement, pour des raisons fiscales, Jacques Chambrette fonde une seconde manufacture en 1758 à St-Clément (commune située sur le territoire français). Revendue en 1763, elle crée des faïences fines dorées à l’or fin et des faïences courantes. A la fin du XIXe, une étroite collaboration avec Gallé donne naissance à de multiples nouveautés dans les formes et les décors. La Manufacture de St-Clément travaille aujourd’hui pour le groupe « Faïences et Cristal fin, Les Jolies céramiques ».
Mais, au cours des siècles, plusieurs autres manufactures ont témoigné de la vocation faïencière de Lunéville : Évrat (pièces culinaires), Mouginot, Armbruster (terres à bouillir), Bajot, Marchal et Carré (poêles en faïence) ou encore la faïencerie créée par Paul Louis Cyfflé en 1766.  

 

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Verre et cristal

Baccarat

Icône du luxe depuis plus de 255 ans, Baccarat est synonyme d’un savoir-faire exceptionnel et symbolise l’art de vivre à la française dans un équilibre parfait entre héritage et modernité.
À l’origine de la légende, le roi Louis XV autorise par décret en 1764 l’installation d’une manufacture dans le village de Baccarat en Lorraine. 

Panorama de Baccarat
Panorama de Baccarat

Dès lors, Baccarat ne cesse son ascension et séduit monarques, chef d’états, célébrités et artistes à travers le monde. Du premier service de verres, commandé par Louis XVIII, aux majestueux candélabres du tsar Nicolas II, sans oublier les commandes exceptionnelles des maharadjahs, Baccarat rayonne d’un prestige incomparable.
Les œuvres prestigieuses de Baccarat, acclamées et récompensées à l’occasion des Expositions Universelles de Paris depuis 1855, illuminent toujours palais et lieux d’exception.

Production des cristalleries de Baccarat
Production des cristalleries de Baccarat


De ses collections d’art de la table aux bijoux, du monde de la décoration au luminaire, chaque pièce, fabriquée à la main à Baccarat par les artisans de Baccarat, porte le sceau d'une maîtrise exceptionnelle de l'art verrier. Souffleurs, doreurs, graveurs et tailleurs mettent leur inimitable talent au service de la perfection. Grâce à son savoir-faire unique transmis de génération en génération par une élite d’artisans, Baccarat allie perfection, savoir-faire et innovation. Baccarat est, parmi les maisons de luxe françaises, celle qui compte au sein de sa manufacture, le plus grand nombre de Meilleurs ouvriers de France.

La verrerie de Croismare

Fondée en 1858 par Bailly Guerner (verrier et chimiste) et Jacob Stinger (commerçant), tous deux nés en Moselle. L’emplacement de Croismare est judicieusement choisi car à proximité de forêts pour le bois, d’eau pour sa force mécanique, de gravières pour le sable, d’une ligne de chemin de fer… Elle compte rapidement près de 300 ouvriers, dont une grande partie viennent eux aussi de Moselle et d’Alsace. Son implantation fait « exploser » la population du village. Les productions sont assez simples, surtout dédiées à de la gobeleterie, mais développe aussi une taillerie de belle dimension.

Plan de la ville de Croismare, extrait des monographies communales
Plan de la ville de Croismare


Elle connaîtra une expérience originale, lorsque, pour payer les dettes accumulées, elle est vendue et rachetée en 1894 par un collectif d’ouvriers « L’union du Capital et du Travail ».

Comité L'union du capital et du travail dans Le Courrier de Metz du 6 avril 1894
Création d'un comité d'ouvriers pour achat de la verrerie de Croismare

Mais dix ans plus tard, elle est reprise par Lucien Hinzelin et devient « Les Grandes Verreries de Croismare ». Elle produit alors des services de verre, des verres de montres et commence à travailler avec les Frères Muller à qui elle fournit des verres à tailler et graver. Ces derniers rachèteront l’entreprise en 1919 et développeront leurs œuvres avec des gravures à l’acide, du verre multicouche … Ils resteront actifs jusqu’en 1935. Alors, les locaux laisseront la place à une toute autre activité industrielle.
Il est à noter qu’en 1926, les Daum installent eux aussi un atelier à Croismare, la cristallerie Belle Étoile.

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Osiériculture et vannerie

Osiériculture et vannerie

C’est à la faveur d’un sol frais et riche que les plantations d’osier se sont développées sur le territoire dans le courant du xixe siècle. Plus de 300 hectares, répartis sur de multiples communes sont mis en culture.

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Saule - Osier - Planche extraite du manuscrit Arbres, arbrisseaux, plantes, fleurs et fruits peints par le Pt de Chazelles, pour être joints au Dictionnaire des jardiniers, tome 3 n° 711 (1796)

Outre un travail fastidieux d’entretien des oseraies, il fallait également veiller, après la coupe, au bon séchage des brins. Ils étaient, soit directement séchés (osier brut), soit conservés les pieds dans l’eau pour ensuite être écorcés (osier blanc). Au printemps, l’écorçage manuel, tâche difficile, fournissait du travail à nombre d’ouvriers saisonniers. 

Décortication de l'osier
Décortication

Ce commerce de brins, outre son importance économique, a aussi permis la professionnalisation d’une activité traditionnelle : la vannerie, qui tout à coup répondait à de nouveaux besoins et de nouvelles modes. La quasi-totalité de l’osier produit localement est utilisée sur place. 
Au tout début du xxe siècle l’idée de développer la commercialisation des produits locaux se fait jour. Des producteurs d’osier deviennent revendeurs d’objets de vannerie, achetant dans les villages malles, paniers ... fabriqués par les vanniers professionnels ou saisonniers pour aller les vendre dans les grands centres de distribution.

osiériculture
L'osiériculture dans La vie agricole du 7 août 1939

Chaque village, chaque famille a une spécialité ; pour une belle volette à tarte c’est le village de Fontenoy-la-Joûte, pour un beau panier, le village de Glonville… Les deux activités périclitent malheureusement à partir des années 70 face à la concurrence des nouveaux matériaux mais aussi au développement des exportations.

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Les jouets

La fabrique de jouets Villard et Weill

En 1872, la manufacture de jouets Villard et Weill, fondée à Strasbourg en 1834, vient s’installer à Lunéville, amenant avec elle une grande partie de ses ouvriers. Ce déménagement est une réponse à l’annexion, mais le choix de la localisation à Lunéville semble particulièrement propice puisque les besoins en bois de l’entreprise sont très importants (plus de 5 000 mètres/cube par an) et les ressources locales nombreuses et diversifiées (hêtres, aulnes, bouleaux…).

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Catalogue Villard et Weill 1933 1936
Atelier de menuiserie Collection Quantin libraire éditeur
L'atelier de menuiserie de la fabrique de jouets VILLARD WEIL  - Quantin, libraire-éditeur

Les objets produits par la manufacture, qui, un temps, estampillera sa production sous la marque MAJOLU (Manufacture de JOuets de LUnéville), sont très variés : jeux de société, jeux de cubes, jeux de construction, casse-tête, forts en carton-pâte et leurs petits soldats de bois ou de plomb, maisons de poupées, théâtres castelets, garages mais aussi babyfoot, meubles d’étude pour enfants…

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Peinture des soldats de plombs à la fabrique de jouets Villard Weil - Quantin, libraire éditeur
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Atelier de peinture de la fabrique de jouets Villard Weil - Quantin, libraire éditeur
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Moulage du carton imprimé de la fabrique de jouets Villard Weil - Quantin, libraire éditeur
Le salon d'échantillons Collection Quantin Libraire éditeur prêtée par coll Clauzier
Le salon d'échantillons de la fabrique de jouets VILLARD WEIL - Quantin, libraire-éditeur
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Publicité Magasins réunis 1934

On estime que la maison proposait plus de 900 articles en 1914, et en avait encore 250 au catalogue en 1954, les expédiant dans toute la France. Tous les Grands Magasins (le Printemps, les Magasins Réunis, la Samaritaine…) distribuaient sa production. Ayant débuté avec environ 200 employés, elle embauchait presque 600 personnes dans les années 30 et s’étendait sur près de 35 000 m2. Malheureusement, la Seconde Guerre mondiale, puis l’apparition des jouets plastiques très concurrentiels, mettront à mal l’entreprise qui fermera définitivement ses portes en 1968.

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Mode et ornements

La Broderie

Autour de la Cour des Ducs de Lorraine, la mode et ses métiers ont trouvé toute une expression et un grand développement sur le territoire. Couturiers, brodeurs, chausseurs, gantiers ont laissé des traces qui, pour certaines, ont perduré au XIXe et XXe siècle, autour de quelques grandes entreprises d’exception dont les productions se sont diffusées internationalement. Né au tout début du XIXe siècle, le Point de Lunéville qui définit une broderie sur tulle à l’aiguille ou au crochet a pour vocation de permettre l’imitation de dentelles. Quelques fabriques rassemblent des ouvrières brodeuses, mais une grande partie des travaux est réalisée à domicile, « à façon » pour les entreprises (on évoque parfois le chiffre de 40000 brodeuses à façon). Robes, aubes, nappes et autres merveilles partent de Lunéville pour orner les plus belles maisons.

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Brodeuse - Tulle perlé

Face à son déclin, la faveur de la clientèle allant à d’autres produits, un entrepreneur, Louis Ferry à l’idée, vers 1865, d’enfiler des perles et sequins sur des fils qui sont ensuite fixés sur le tissu avec la technique traditionnelle du crochet. C’est la naissance de la broderie perlée et pailletée. Le succès est immédiat, les entreprises se développent et travaillent pour les plus grandes maisons de couture, mais aussi pour le monde du spectacle et des cabarets, la décoration… Importante activité économique qui va aussi faire voyager loin le nom de la ville de Lunéville dont elle prend le nom.

 

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Le point de Lunéville - extrait du brevet original conservé à la Médiathèque de l'Orangerie de Lunéville

 

 

Le chapeau

Créée par Guillaume de Langenhagen à Sarre Union en 1832, la fabrique de chapeaux de paille tressée a connu un important développement, employant deux ans après sa création quelques 400 ouvriers mais aussi plus de 2000 travailleurs à façon dans la ville et les communes voisines.

Groupe de tresseuses de Chapeaux palmiers à Parroy
Groupe de tresseuses de Chapeaux palmiers à Parroy - Quantin, libraire-éditeur

La fabrique se dote d’une filiale à Lunéville en 1872, mais après la défaite et l’Annexion, les frères de Langenhagen s'y installent également, suivis par leurs contremaîtres. Le patriotisme mais aussi la nécessité d’échapper aux frais de douane imposés par l’Allemagne permettent de conserver le marché français, très porteur pour les productions de la fabrique ou encore des prix de terrains très abordables.

Déménagement en France Le Lorrain 14 août 1891
Brève du journal Le Lorrain du 14 aoüt 1891


Leur projet : faire perdurer l’entreprise familiale mais également développer de nouveaux marchés. Et ils y parviendront puisque leurs chapeaux sont commercialisés dans plus de 80 pays de par le monde, fabriqués ici, canotiers et panama coiffent des têtes sur tous les continents.  Vers 1900, on estime que la fabrique de Lunéville emploie plus de 100 personnes et que ce sont plusieurs milliers de travailleurs à façon « tresseurs de paille » qui bénéficient de l’activité de la manufacture dans les territoires alentours. Pourtant, l’usine de Lunéville est fermée en 1919, victime tant de la guerre que du désintérêt progressif de la clientèle pour le chapeau de paille. Ne subsiste plus que la fabrique de Sarre Union qui, elle, perdure jusque dans les années 1970.

LUNEVILLE INDUSTRIE Collection Quantin libraire éditeur
Brideurs : Ouvriers chapeliers Usine Octave de Langenhagen - Quantin, libraire-éditeur

 

Crédits

Cette exposition virtuelle, publiée à l'occasion des festivités "La Lorraine est formidable", est le fruit d'un travail collectif entre plusieurs partenaires et collections patrimoniales : les équipes de bibliothécaires de limédia et des médiathèques du lunévillois ; Monique Manoha, responsable du Pôle Bijou et Métiers d'Art de la Communauté de communes du territoire de Lunéville à Baccarat a conçu les textes et proposé une iconographie, complétée par les collections présentes dans Limédia enrichies de celles de la collection patrimoniale de la médiathèque de Lunéville. Les collectionneurs de cartes postales du territoire ont eu l'amabilité de nous confier leurs trésors illustrant le riche passé de fabriques artisanales du territoire : M. Chapleur, M. Bouard ainsi que Mr et Mme Cluzier. Enfin, Mme Emmanuelle Quantin, petite-fille du libraire éditeur Quantin nous a accordé les droits à titre gracieux. Nous les remercions vivement pour ces apports majeurs.