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D’Apollinaire à Richard Rognet, les poètes et Jean-Pierre Lécuyer sont indissociables. Par l’association texte/image, le graveur lorrain oriente les interprétations de ses œuvres, usant d’humour et de lyrisme. Influencé par l’art nippon, il fait des poèmes-estampes l’une de ses marques de fabrique. Dans le cadre de son bestiaire Du coq à l’âne (2023), Jean-Pierre Lécuyer dialogue avec les animaux.

Un double regard

Une jungle poétique et artistique

Jean-Pierre Lécuyer a collaboré avec de nombreux poètes, parmi lesquels Richard Rognet, Gérard Lecomte ou encore Roland Chopard, créant ainsi des duos graveur-poète. Les formes artistiques s’unissent et s’entrelacent : le graveur raconte une histoire par la xylographie tandis que le poète la relate par le poème.

Dans Cahier de brouillon pour un chat (2021), les poèmes de Gérard Lecomte content les différents profils de chats, illustrés par Jean-Pierre Lécuyer : chat errant, chat escogriffe, chat pèlerin… L’imagination qui émane à la lecture des strophes de Gérard Lecomte prend forme grâce à la gouge de Jean-Pierre Lécuyer.

Pour faire parler les animaux, le graveur lorrain recourt aussi à des poètes d’un autre temps comme Apollinaire (Un chat parmi les livres, 2022), amoureux des chats. Le quintil d’Apollinaire Le chat (1911) apporte ainsi un élément poétique à deux bois gravés représentant des chats studieux et espiègles (cf. gravure ci-dessus).

Jean-Pierre Lécuyer apprécie aussi tout particulièrement les acrostiches, composés par lui-même ou par sa fille – Adeline Lécuyer (Le loup sort du bois, 1998).

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La saga de la bête des Vosges (1992)
"Loup Affamé, Bête Errante Tue, Egorge, Dévore, Et Se Venge. Ouvre Sa Gueule Et Sourit..."

 

 

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L'influence japonaise

Les haïkus

Cet attrait de Jean-Pierre Lécuyer pour les poèmes-estampes s’explique notamment par une influence japonaise. Le graveur lorrain voue une certaine admiration pour Hokusai (1760-1849), graveur japonais de l’époque d’Edo (1603-1868). Il lui a d’ailleurs dédié une de ses œuvres : L’arbre, hommage à Hokusai (2020). Cette admiration se perçoit surtout dans la direction artistique prise par Jean-Pierre Lécuyer. De la même manière qu’Hokusai associe estampe et haïku (Les paysages d'Hokusai ; Haïkus du temps qui passe), Jean-Pierre Lécuyer associe gravure et poème.


Les poèmes en regard des gravures de Jean-Pierre Lécuyer reprennent parfois directement les codes des haïkus. Un haïku est un poème d’origine japonaise qui se compose généralement de trois vers et de dix-sept syllabes divisées en 5-7-5 (ie. 5 syllabes pour le premier vers, 7 syllabes pour le deuxième vers et 5 syllabes pour le troisième vers). Il fait toujours référence implicitement ou explicitement à une saison. Les maîtres du haïku sont entre autres : Matsuo Bashō, Yosa Buson ou Natsume Soseki.


Les haïkus se mêlent particulièrement bien aux gravures d’animaux. Un haïku de Yosa Buson est d’ailleurs inséré en regard d’une gravure originale de Jean-Pierre Lécuyer (Chauve-souris cachée tu vis, 2010) représentant une chauve-souris (cf. gravure ci-dessus). Le livre d'artiste 7 animaux du Viêtnam (2010) témoigne d'autant plus de cette influence : 7 bois gravés originaux de Jean-Pierre Lécuyer sont accompagnés de 7 haïkus de Nine Mozas Lécuyer. Les animaux mythiques de l’ancien royaume du Champa sont associés à un changement dans le paysage ou à une activité.

« Noir, le buffle luit.
Rizières verdoyantes,
Un enfant, sourit. »
 

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Jeux d'ani'mots

Jeux de gravure

Jean-Pierre Lécuyer aime jouer avec les mots. Il recourt à des lettres typographiques en bois pour agrémenter ses xylographies et use de polices de caractères et de couleurs différentes pour créer des effets visuels.

Il grave le titre (Minotaure au Labyrinthe, 1999) ou des mots clés du titre directement sur la gravure (Conjonctions, 2000). Parfois, ce sont des expressions entières qu’il presse car tout est propice à l’inspiration pour le graveur lorrain. Certaines de ses gravures sont construites comme des jeux dans lesquels il faut relier des locutions à des images.

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Le loup, locutions (1996)
"Hurler avec les loups, se jeter dans la gueule du loup, une faim de loup, connu comme le loup blanc, l'homme est un loup pour l'homme, à pas de loup, un froid de loup, au loup ! au loup !"

De même, Jean-Pierre Lécuyer utilise des illustrations bien connues du grand public. Le rire éternel de la vache qui rit de Benjamin Rabier se transforme ainsi petit à petit en des sanglots à l’approche de sa destination fatidique : l’abattoir.

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Vache qui rit vache qui pleure (2000)
"Elle s'appelait la Rousse. Vache qui rit... Elle porte aujourd'hui un numéro, parfois devient folle, vache qui pleure..."