L'imaginaire autour de la mort dans l'art : histoire et représentations
Le dit des trois morts et des trois vifs
La fin du XIIIe siècle voit l’apparition du thème des Trois morts et des trois vifs, qui connaîtra un grand succès dans toute l’Europe jusqu’au XVe siècle. L’origine de ce thème, c’est le Dit des trois morts et des trois vifs, un récit médiéval : il narre les aventures de trois jeunes nobles chevaliers, partis à la chasse avec des faucons. Ces derniers font la rencontre de trois morts dans un cimetière. Les revenants leur transmettent la mise en garde suivante : « Nous fument ce que vous êtes, vous serez ce que nous sommes ». Ce thème est également utilisé pour illustrer l’office des morts dans les livres d’heures.
Du côté des morts, le premier, un duc, rappelle que la mort est inévitable. Le second, comte, pointe le fait que la mort s’attaque à tous, sans distinction sociale. Enfin, le troisième, marquis, conclut que le seul moyen d’affronter la mort, c’est d’éviter de commettre des péchés en faisant le bien dans sa vie. Face aux morts, les vivants prennent peur : l’un ne fait qu’exprimer ses lamentations quant à la misère de la vie, l’autre s’excuse d’avoir cédé à la vanité. Mais le dernier, plus confiant, rassure ses deux compagnons : Dieu ne veut pas leur perte, il a simplement envoyé ces morts pour leur transmettre une leçon d’humilité.
La pratique de la chasse au vol, réservée à la noblesse, représente ici les vanités du monde que les jeunes nobles doivent abandonner. L’activité de fauconnerie était en effet fortement critiquée par les clercs qui assimilaient les fauconniers aux pécheurs. Ce thème médiéval s’est beaucoup diffusé à travers les vitraux des églises : l’œuvre présentée est par exemple issue d’un vitrail de l’église Saint-Nicolas, à Charmes.
Dans les différentes représentations du thème, la présence de la Croix est un élément essentiel : elle délimite la frontière entre le monde des vivants et le monde des morts. En effet, ces derniers ne peuvent pas quitter leur monde : il est impossible pour eux d’agir physiquement sur les vivants. Le Dit des trois morts et des trois vifs présente beaucoup de similitudes avec les danses macabres : cependant, leur signification est bien différente. Tandis que les trois morts invitent à se repentir, le squelette des danses macabres saisit le vivant et l’emporte : la mort est alors vue comme une issue inévitable, il n’y a plus la possibilité de se racheter et de changer sa vie, c’est trop tard.