Pour survivre dans la capitale, Lafage produit des dessins à la plume ou au fusain et suscite peu à peu l'intérêt de collectionneurs. L’un d’eux le paye même un louis par jour pour ses dessins. Lafage s'amuse à travailler dans des cabarets où l'on s'étonne de sa virtuosité. Son génie de dessinateur et surtout sa rapidité de trait, forcent l’admiration de tous. On lui reconnaît une grande imagination et beaucoup de mémoire.

De grands collectionneurs s’intéressent de près à son œuvre et deviennent de fidèles acheteurs et des commanditaires réguliers. Il est d'ailleurs tellement demandé qu’il eut droit à son imitateur (ce dernier fut rapidement démasqué).

Sa réputation monte en flèche, d’autant plus lorsque Lafage rencontre celui qui deviendra son ami : le graveur flamand Jean Van der Bruggen qui tient une boutique de dessins et estampes à Paris. Admirant l’art de Lafage, il va vite comprendre l’intérêt qu’ils auraient à travailler ensemble. Il fait alors graver ses dessins et encourage aussi Lafage à graver lui-même. Lafage produira une vingtaine d'eaux-fortes, comme par exemple Le Serpent d'Airain ou bien La Chute des Anges présents dans la collection des Princes de Salm. Certains acheteurs se chargent parfois de faire graver les dessins qu'ils possèdent, comme le comte de Caylus.

Chez les marchands ou dans les cabarets, Van der Bruggen exhibe Lafage comme un être hors du commun et prépare ainsi la future diffusion de ses gravures en sensibilisant son public. Grâce à cette promotion, Lafage acquiert une renommée internationale. On rencontre ses œuvres dans des édifices ou musées de plusieurs villes d’Europe, mais aussi chez les collectionneurs privés et ce jusqu'aux États-Unis.

Contenu du Une renommée grandissante
Contenu du Une renommée grandissante

En 1682, Van der Bruggen a l’idée d’un recueil de dessins gravés. Il demande sa réalisation à Franz Ertinger (1640-1710) qui se révèlera le meilleur et plus fidèle interprète de l'œuvre de Lafage. Il donnera en tout une quarantaine d’interprétations, en particulier des bacchanales et des scènes de la vie de Moïse, sujets chers à l’artiste. Ci-contre, Le Martyre de St Etienne, une des premières interprétation de Franz Ertinger d'un dessin de Lafage et qui figurera dans le recueil.

Intitulé Recueil des Meilleurs Desseins de Raymond La Fage, l'ouvrage sera publié à titre posthume en 1689. Il regroupe 103 pièces, dont 57 traductions de dessins de Lafage en gravures, auquel six graveurs de renom contribuent : Gérard Audran, Claude Auguste Berey, Gérard Edelinck, Charles Simonneau, Cornelis Vermeulen, et bien sûr Franz Ertinger. L'objet passe d'abord inaperçu puis est avidement collectionné dès la fin du XVIIe siècle.

A la mort de Van der Bruggen au début du XVIIIe siècle, les estampes de Lafage furent rachetées par l’éditeur Gérard Valck qui les réédita entre 1707 et 1726.

Après la mort de Lafage, ses oeuvres restèrent longtemps recherchées. En témoigne leur présence dans la collection de Philippe de Chennevières, historien d'art du XIXe siècle. Le collectionneur le décrivait comme :

« un génie tout flamme et toute ivresse, en perpétuelle débauche […], d’une imagination tellement bouillonnante et toujours prête à tout, et maniant au bout de sa plume les formes les plus nobles, les plus fières et les plus expressives. »

Il ajoute qu’il démontre :

« une science anatomique tellement instinctive et consommée, que son apparition à Rome effara les plus raffinés, voire les plus grands des Italiens, et réveilla, pour un temps, des deux côté des Alpes, chez nos plus délicats connaisseurs aussi bien que dans l’entourage du Bernin, l’écho du nom sacré de Michel-Ange. »