Descriptions antiques et études médiévistes
Jusqu’au XVIIe siècle on a cru que le chat domestique descendait du chat sauvage européen. En réalité, l’ancêtre de notre chat domestique est originaire des déserts d’Afrique. Sa domestication est imprécise, on sait seulement que les Egyptiens l’ont apprivoisé il y a 4 000 ou 5 000 ans, qu’il est ensuite passé en Grèce, puis dans le monde romain.
Au Ve siècle avant J.-C., Aristote et Xénophon en font une description. Par exemple, Aristote nous donne des détails très exacts et très caractéristiques sur les amours de la chatte. De même, Pline l’Ancien en fait mention plusieurs fois dans son Histoire naturelle :
« les chats ont la langue âpre, semblable à une lime et capable d’user la peau de l’homme. »
Quelques siècles plus tard, les encyclopédistes du XIIIe siècle décrivent avec précision les pelages variés, les yeux, les moustaches et les griffes du chat domestique. Ils s’attardent aussi sur son comportement : ses amours, ses talents de chasseur, sa façon de se blottir auprès du feu ou de faire sa toilette. Dans son De natura rerum, Thomas de Cantimpré donne son explication du ronronnement du chat :
« Ils aiment à être caressés par la main d’une personne et ils expriment leur choix par leur propre forme de chant. »
Le Chat thérapeutique
De tout temps, on va prêter des vertus thérapeutiques au chat à commencer par l'utilisation de ses excréments. Dans l'Antiquité, Pline détaille dans son Histoire naturelle des remèdes incluant les déchets laissés par nos matous : mélangés à de la moutarde, ils traitent les ulcères de la tête ; cuits dans de l'eau avec du suif et appliqués avec du vin ils soignent les ulcères de l’utérus. Ils aideraient même à extraire les épines du doigt !
Le XIIIe siècle poursuit ces croyances par l'utilisation du chat dans son entièreté. Par exemple, selon le théologien et naturaliste Albert le Grand, on peut placer la chair d’un chat sur les membres souffrant de la goutte, ingérer la bile d’un chat pour calmer les névralgies faciales et les tics, ou encore se frotter l’œil avec la queue d’un chat pour guérir de l’orgelet.
Si ces pratiques sont pour nous aujourd’hui très datées, il faut savoir qu’au milieu XIXe siècle, on préconisait encore l'utilisation des peaux d'animaux recouvertes d'un emplâtre pour fabriquer des sparadraps appelés autrefois « toiles Gauthier ». La peau de chat sauvage était la plus préconisée notamment pour les douleurs de rhumatisme et des articulations. Encore récemment, on pouvait croiser dans les pages des journaux des publicités pour des peaux de chats à cet usage (voir ci-contre).
La Renaissance et le renouveau de la zoologie
Avec la redécouverte des textes grecs, la Renaissance voit le renouveau de la zoologie, et le chat, désormais très répandu, va en bénéficier.
En Italie, Aldrovandi fait du petit félin domestique un portrait assez flatteur. En Suisse, le médecin et naturaliste Gesner publie en 1551 une Historia Animalium. Il y dédie un long chapitre au chat dont il écrit qu’il est « un animal familier et domestique que tout le monde connaît », et l’orne d’une belle représentation de chat tigré. Cependant, dans son chapitre, Gesner souligne les risques que présentent les chats pour la santé : duvet pouvant provoquer de l’asthme, et surtout une haleine nocive. Une affirmation reprise deux siècles plus tard par d’Alembert et Diderot dans l’article "Chat" de L’Encyclopédie qui incite à la prudence les maîtres qui ont coutume d’embrasser leur chat sur le museau.
Éclairage des Lumières
Il faudra tout de même attendre le XVIIIe siècle pour s’intéresser au chat de manière plus scientifique. En effet, en ce siècle des Lumières, on cherche à étendre son savoir et les études naturalistes se précisent.
Le premier à faire une description scientifique du chat est le suédois Carl von Linné. Ce naturaliste est connu pour son travail de classification des espèces vivantes. En 1735, il publie ce qui sera son œuvre la plus importante : Systema naturae et qui connaîtra de nombreuses rééditions. C’est dans la 30e édition, en 1740, qu’apparaît la toute première description du chat en tant qu’espèce propre, qu’il nomme felis catus. En effet, avant lui le chat domestique était souvent considéré comme une sous-espèce du chat sauvage (felis sylvestris).
À la même époque, en France, un prêtre s’intéresse lui aussi à l’histoire naturelle : il s’agit de l’abbé Pluche. Il aura pour projet d'écrire une synthèse de nos connaissances sur l’histoire naturelle à destination d'un jeune lectorat. Sera alors publié entre 1732 et 1750 Le Spectacle de la nature en neuf volumes. L’ouvrage rencontra un succès immédiat, si bien que Le Spectacle de la nature est considéré aujourd'hui comme un best-seller du XVIIIe siècle, au même titre que les œuvres de Voltaire et Rousseau.
Cet engouement s'explique par le choix de l'auteur à utiliser avant tout le dialogue. Il va, à travers plusieurs personnages dont un enfant, diffuser les différentes connaissances compilées en matière d'histoire naturelle. Les dialogues ont donc une portée pédagogique qui facilitent l'apprentissage. De plus, l'ouvrage est richement illustré de 212 planches gravées par Le Bas, qui en font un ouvrage agréable à consulter et rendu plus accessible au jeune public.
La Description de Buffon
Au moment où le naturaliste Buffon entre en scène, les progrès réalisés à la fin du XVIIe siècle sur l’étude de la nature sont encore loin d’avoir atteint un stade véritablement scientifique. Elle consiste encore trop souvent en des descriptions influencées par la tradition, les légendes, ou encore les textes religieux.
On demande alors à Buffon de faire une description du cabinet du Roi. Buffon accepte mais voit plus grand et porte finalement le projet de peindre la nature toute entière. Ainsi naquit l’Histoire naturelle (1749-1804), publiée en 36 volumes.
Buffon ne se contente pas de décrire les espèces mais expose en détail : leur histoire, habitat, mœurs, croissance, reproduction, fécondité… En réunissant plusieurs espèces voisines physiologiquement mais de mœurs ou d’habitat différents, il constitue des familles ayant une unité biologique. Pour lui, ces familles sont issues d’une espèce unique qui se serait diversifiée avec le temps (débuts de la théorie de l’évolution).
Concernant le chat, Buffon en fait une description très négative :
« Quoique ces animaux, surtout quand ils sont jeunes, aient de la gentillesse, ils ont en même temps [...] un caractère faux, un naturel pervers que l’âge augmente encore et que l’éducation ne fait que masquer »
Les descriptions de Buffon s’accompagnent de planches d’illustrations. Pour le chat il présente différentes races, ainsi que des détails anatomiques. Une dernière gravure illustre une des anomalies rencontrées : un "chat monstrueux à deux têtes".