La colline inspirée

Contenu du La colline inspirée
08 octobre 2023 par Sophie ARMBRUSTER

Chapitre premier.

Il est des lieux où souffle l'esprit. 

Il est des lieux qui tirent l’âme de sa léthargie, des lieux enveloppés, baignés de mystère, élus de toute éternité pour être le siège de l’émotion religieuse. L’étroite prairie de Lourdes, entre un rocher et son gave rapide ; la plage mélancolique d’où les Saintes-Maries nous orientent vers la Sainte-Baume ; l’abrupt rocher de la Sainte-Victoire tout baigné d’horreur dantesque, quand on l’aborde par le vallon aux terres sanglantes ; l’héroïque Vézelay, en Bourgogne ; le Puy-de-Dôme ; les grottes des Eyzies, où l’on révère les premières traces de l’humanité ; la lande de Carnac, qui parmi les bruyères et les ajoncs dresse ses pierres inexpliquées ; la forêt de Brocéliande, pleine de rumeur et de feux follets, où Merlin par les jours d’orage gémit encore dans sa fontaine ; Alise-Sainte-Reine et le mont Auxois, promontoire sous une pluie presque constante, autel où les Gaulois moururent aux pieds de leurs dieux ; le mont Saint-Michel, qui surgit comme un miracle des sables mouvants ; la noire forêt des Ardennes, tout inquiétude et mystère, d’où le génie tira, du milieu des bêtes et des fées, ses fictions les plus aériennes ; Domremy enfin, qui porte encore sur sa colline son Bois Chenu, ses trois fontaines, sa chapelle de Bermont, et près de l’église la maison de Jeanne. Ce sont les temples du plein air. Ici nous éprouvons, soudain, le besoin de briser de chétives entraves pour nous épanouir à plus de lumière. Une émotion nous soulève ; notre énergie se déploie toute, et sur deux ailes de prière et de poésie s’élance à de grandes affirmations.

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Texte : Maurice Barrès, La Colline inspirée, Paris, Emile-Paul frères (Paris), 1913.
Illustration : Claude Weisbuch, La Colline inspirée, [ca 1948-1960].

La Colline inspirée de Maurice Barrès a inspiré de nombreux graveurs lorrains, retrouvez une sélection d'oeuvres sur Limédia Galeries.

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Contenu du L’ukiyo-e et le théâtre Kabuki

L’ukiyo-e et le théâtre Kabuki

L’ukiyo-e désigne essentiellement les estampes japonaises gravées sur bois datant de la période d’Edo et de l’ère Meiji. C’est vers 1670, avec le travail d’Hishikawa Moronubu, que naît cette technique. Elle permet une production sur papier financièrement abordable et très rentable. En effet, le nombre de tirages peut atteindre près de 300 exemplaires avant que le bois gravé ne s’altère et que la qualité d’impression ne diminue.