L’inventaire des biens des églises à Nancy en 1906

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05 juillet 2019 par Lucie Behr
L’inventaire des biens est effectué dans tous les édifices religieux de toutes les confessions ainsi que dans les bâtiments occupés par les instances religieuses ; séminaire, évêché, etc.

Ces inventaires débutent fin janvier 1906 dans les bâtiments de toutes les confessions. Nous savons par les relations de L’Est Républicain que les inventaires de l’église protestante et de la synagogue se sont tenus au tout début du mois de février 1906. L'inventaire des biens des églises catholiques déclenche de vives protestations et oppositions sur le territoire.

Des hommes et des idées qui s’affrontent sur le terrain

L’inventaire des églises catholiques de Nancy se déroule dans un climat extrêmement tendu.

Mercredi 24 janvier 1906, l’église Saint-Fiacre est  la première à recevoir la visite de l’inspecteur de l’enregistrement : tous les biens de l’église, des chaises aux vitraux, des confessionnaux aux statuettes sont consignés dans un grand cahier. En Meurthe-et-Moselle, l’atmosphère entre les « antis » et les « pros » est très tendue et oppose le clergé de l’Église catholique et les paroissiens aux défenseurs de la laïcité dont les plus ardents font partis des loges maçonniques. Deux personnages s’affrontent sur le terrain des idées : l’évêque Charles-François de Turinaz (1838-1918) et le franc-maçon Charles Bernardin (1860-1939).

Déjà en 1903, Charles Bernardin alors juge de paix avait fait enlever les crucifix des salles d’audience au tribunal de Pont-à-Mousson, une décision qui entretient le conflit entre les deux hommes et entre les deux camps. Bernardin est favorable à la laïcisation des hôpitaux et des institutions publiques. Il s’engage pour la création d’un lycée de filles, alors que Turinaz n’y est pas favorable. Turinaz s’oppose ouvertement à la loi de séparation et aux inventaires. Il rejette avec force cette « mainmise du pouvoir civil sur le pouvoir religieux » (1).

 

L’inventaire à l’église Saint Léon de Nancy

Le jour vient de se lever en ce matin du jeudi 25 janvier 1906. Le froid est saisissant. Le fonctionnaire de l’enregistrement frappe à la porte de la sacristie de l’église Saint-Léon : « Au nom de la loi, ouvrez ! ». Le prêtre Chazel entouré des vicaires de la paroisse et des membres du Conseil de Fabrique accueille avec hostilité la délégation de l’inventaire. Avant de laisser le fonctionnaire à son travail il déclare qu’il « ne veut pas prendre part à cette opération qui ne lui inspire que défiance et appréhension ».

Les sommations

Les mots fusent et la phrase d’un paroissien : « Irez-vous faire l’inventaire de la Loge rue Drouin ? » marque bien l’atmosphère du moment.

 

L’inventaire à la cathédrale de Nancy

 

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A Nancy. Inventaire de la Cathédrale.

Il va falloir s’y prendre à plusieurs fois pour parvenir à faire l’inventaire de la cathédrale tant l’opposition y est importante.

Lundi 22 janvier 1906, l’évêque Turinaz refuse l’accès de la cathédrale à l’inspecteur et fait lecture d’une lettre de protestation. La délégation de l’inventaire se retire pour aller en référer au préfet.

Une nouvelle tentative a lieu le mardi 20 février. Le dimanche précédant, lors de la prêche, les consignes sont données aux paroissiens qui sont invités à être présents ce jour-là. Le mardi 20 février,  dès 6h30 une messe est célébrée, 400 personnes y assistent. Non loin de là, deux pelotons du 5e Hussard se positionnent pendant que deux compagnies du bataillon du 26e  Régiment d'Infanterie se mettent en place devant la cathédrale, des voisins de la cathédrale suivent les évènements de leur fenêtre. La porte de la cathédrale s’ouvre et l’évêque Turinaz s’adresse une nouvelle fois à l’inspecteur de l’inventaire pour lui signifier son refus. Il s’en retourne à l’intérieur et après encore un discours du haut de la chaire, demande à l’assistance de se disperser dans le calme. D’après les éléments de la carte postale et les articles que l’on peut retrouver dans L’Est Républicain, l’inventaire de la cathédrale aura lieu seulement le 13 mars en présence de l’évêque et des membres du clergé. Ce même jour, le siège de la Loge maçonnique rue Drouin est saccagé, sans doute en représailles.

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À la Cathédrale de Nancy. - Vestiges de l'Inventaire Porte, rue du Cloître, enfoncée au nom de la LOI, le 13 Mars 1906 à six heures du matin.

Les violences sont trop vives, les inventaires sont suspendus.

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Les Inventaires. Au grand Séminaire de Nancy, 20 Novembre 1906

Des troubles ont lieu du 1er février 1906 au 20 mars date à laquelle Clémenceau, alors Ministre de l’Intérieur, décide de suspendre les opérations d’inventaire partout où l’opposition est trop importante.

Quelques mois de répit et les inventaires reprennent. Le 20 novembre 1906 ont lieu à Nancy les inventaires du Grand Séminaire et celui de l’Église du Sacré-Cœur. Le Grand Séminaire est alors situé dans le bâtiment des anciennes missions royales, au 20, rue de Strasbourg.

Cette fin d’année s’achève avec l’injonction du préfet à l’Évêché de quitter le bâtiment situé place Stanislas (actuellement Opéra de Lorraine) qu’il occupe depuis 1802. En ce 12 décembre 1906, une foule nombreuse accompagne la translation de l’évêque vers l’Hôtel de Landres, au 35 rue de la Source, établissement que l’Évêché vient de louer.

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Monseigneur Turinaz quitte son Palais épiscopal, le 12 Décembre 1906. Une foule sympathique l'accompagne jusqu'au nouvel Évêché La Guerre religieuse.

 

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