Contenu du Le colporteur

De la fin du Moyen Âge au XIXe siècle, les colporteurs voyageaient sur les chemins, de village en village, leur balle sur le dos pour vendre de petites bricoles à trois francs six sous. Ce personnage mystérieux, était tantôt perçu comme un vagabond mentant pour mieux vendre ses babioles tantôt comme un honnête marchand parcourant les routes. 

Qui se cache réellement derrière cette profession méconnue ?

Le marchand

En 1611, on dénombre en France 46 colporteurs autorisés à transiter et à vendre dans certaines villes et régions. Leur nombre passe à 3 500 en 1848 date qui constitue l'apogée du métier. 

Les règles entourant la profession évoluent au fils des siècles, en 1669, les colporteurs doivent avoir une autorisation de la police, en 1727 ils doivent savoir lire et écrire et ces marchandises sont soumises à validation, par exemple, les lois de 1849 et 1852 imposent trois conditions pour la vente d'une publication par colportage : l'examen préalable de l'ouvrage par une commission, l'apposition d'une estampille sur chaque exemplaire proposé à la vente, le port d'un passeport spécial par tous les colporteurs.

Une fois arrivé au village, le marchand installait sur sa table un étonnant éventail de produits. Images pieuses, bimbeloterie, livres, tissus, images, rubans, colifichets divers, étaient pour quelques sous, accessible au plus grand nombre.  Pour mieux attirer les passants, le colporteur (ou sa femme) chantait et jouait de la musique et surtout colportait les nouvelles et les légendes ...
 

Le menteur

En effet, certains de ces marchands, les moins honnêtes, narraient des faits divers ou catastrophes naturelles de l’époque en rajoutant de nombreux détails sur les crimes et sur les châtiments des criminels, au mieux exagérés au pire inventés. On trouvait aussi de drôles de marchandises comme du foin provenant de la crèche de Bethléem. Les habitants les appellent vite menteurs et se méfient.

Car le colporteur, même connu par ses visites successives, reste pour les habitants un étranger. Il devient alors le coupable idéal et se voit attribuer certains méfaits. Ainsi, jusqu'à une certaine époque en Bretagne, les registres de déclaration de grossesse hors mariage les désignent souvent comme « auteur » de l’enfant. Mais les colporteurs sont loin d’être des vagabonds malhonnêtes, ils sont la plupart du temps des personnes pauvres qui cherchent à gagner leur vie pendant la mauvaise saison, comme les Chamagnons.

«  J’ai l’honneur de vous signaler un véritable abus, qui est récemment parvenu à ma connaissance. Des individus, qu’on ne m’a pas fait découvrir, colportent dans la campagne, du côté notamment de la plaine de Thionville et vers l’arrondissement de Briey, des images avec texte ou chansons, du genre de celles ci-jointes, & les distribuent surtout à la jeunesse, en échange parfois de vieux chiffons, de vieux souliers ou de vieux objets quelconques, qui sont même souvent dérobés par des enfants à leurs parents. Il en résulte d’abord une véritable tromperie au préjudice des familles, qui sont ainsi dépouillées de certains débris, pouvant avoir encore une valeur très minime, il est vrai, & ne reçoivent en compensation qu’une mauvaise image dont la valeur est véritablement nulle. Ensuite un mal plus fâcheux est produit par la diffusion de pareils ouvrages ; c’est la démoralisation, non pas de l’enfant proprement dite, mais des jeunes gens, auxquels ils parviennent indirectement, & dont ils dépravent l’imagination. Dans les faits de ce genre & à raison du défaut de renseignement sur les auteurs de ces colportages, il n’y a aucune poursuite judiciaire à exercer quant à présent ; mais j’ai pensé qu’il pouvait vous paraitre utile que votre attention fut appelée à cet égard, afin d’exercer une surveillance plus rigoureuse sur les colporteurs d’images & d’écrits sur le catalogue des ouvrages qu’ils sont autorisés à vendre, & même sur la profession qu’ils exercent indépendamment de celle du colportage ; puisqu’il semble que l’abus, dont j’ai l’honneur de vous entretenir, est surtout commis par des individus exerçant le métier de marchands d’os & de vieux chiffons ou vieux souliers, objets destinés aux papeteries & aux fabriques de colle forte & de noir animal » Tribunal de Metz. Parquet du procureur de la République. Metz, le 3 avril 1851 - Les mutations de l’image populaire à l’exemple du centre imagier de Metz (1819-1892), Bodé Noémie, août 2018

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Chamagne, ville des colporteurs

Un grand nombre de colporteurs lorrains venaient de Chamagne. Ce village traditionnel vosgien, verdoyant et rural, se trouve sur la rive droite de la Moselle, entre Charmes et Bayon. Idéalement situé sur les principaux axes de circulation et proches des centres lorrains de production de l’imagerie populaire, le métier de colporteurs s’est transmis de famille en famille, on parle alors des Chamagnons. Mais ce n’est pas que la tradition qui poussent ces familles vosgiennes à parcourir de nombreux kilomètres pour vendre leur marchandise.

Le village de Chamagne, essentiellement agricole, n’avait pas d’industrie et peu d’élevage. Une grande partie des terres étaient en friche et les portions cultivées se divisaient entre quelques familles. Tous les automnes, une petite cinquantaine de personnes de tout âge, pères, mères, enfants, sans terres, partaient sur les routes. Ces familles se divisaient en petites troupes suivant des chemins connus à l’avance et communiquant entre elles par des signes cabalistiques tracés sur les portes des maisons. Les Chamagnons vivaient simplement, allant jusqu’en Bavière ou en Belgique pour vendre leur marchandise, mais le voyage n’était pas sans embuche, certains mourraient en route, d’une mauvaise chute ou de fatigue, ceux qui revenaient dans leur village au printemps, avaient un petit pécule leur permettant de survivre jusqu’à l’automne. Être colporteur apparait surtout comme une réalité économique.

La figure du colporteur est multiple, elle a évolué au fils des années, il garde son aura de mystère et représente entre mensonge et rêve une belle invitation au voyage.