Paysages lorrains : une promenade par l'estampe
Gravure et paysage industriel
Les artistes sont des témoins de leur temps. Ils transcrivent de manière réaliste ou non les changements de la société qu'ils soient idéologiques, sociaux ou économiques. Lithographes et graveurs ne font pas exception. C'est ainsi que le paysage industriel fait son apparition dès le xixe siècle dans leurs productions.
Si dans un premier temps les estampes reflètent une certaine idée du progrès industriel, où les infrastructures, admirées par la bourgeoisie, s'insèrent dans un paysage bucolique, il en va tout autrement au xxe siècle. En effet une vision plus critique se fait jour renforcée par l'émergence de courants artistiques qui s'affranchissent du réalisme pour traduire la perception des artistes.
Fabrique de Zainvillers près de Vagney (sur le cours de la Moselotte)
Lithographie qui témoigne de l'évolution de l'industrie textile, et particulièrement de la filature, qui s'étendait sur le cours de la Moselotte. Ravignat traduit de manière réaliste les nouvelles infrastructures qui remplacent peu à peu les moulins. Le paysage champêtre reste prédominant.
Fabrique de produits chimiques à Épinal d’après Ravignat
Estampe extraite de la revue pittoresque, historique et statistique des Vosges. C'est dans un paysage de campagne que s'inscrit cette fabrique. Le caractère industriel ne transparait que par la présence d'une cheminée laissant échapper un long panache de fumée qui se confond avec les nuages.
Cristallerie de Saint Louis
La halle verrière et ses bâtiments annexes sont représentés dans un écrin de verdure. Sans la présence de la cheminée et de son panache, cette estampe pourrait évoquer un édifice conventuel.
Cristallerie de St Louis (Moselle) d'après un tableau d'Edouard Pingret
Cette lithographie nous présente la cristallerie sous un autre angle. La forêt, nécessaire à l'activité verrière, constitue une part importante dans cette oeuvre. On peut voir au premier plan la bourgeoisie admirant les infrastructures liées au développement de la manufacture.
Cristallerie de St Louis (Moselle)
D’après un tableau d'Edouard Pingret
Paysage usinier d'Henri Lalevée (1953)
Le paysage industriel tient une place importante dans le travail de ce graveur lorrain. Ici, l'industrie et ses méfaits donnent une sensation d'étouffement. La nature, rendue par des lignes sinueuses, n'a plus qu'une place congrue entre les rails. Les volutes de fumée s'échappant des cheminées saturent l'arrière-plan.
L'usine
Réalisée un an plus tard que "Paysage usinier" (1953), cette oeuvre d'Henri Lalevée utilise les mêmes codes. Le traitement graphique des éléments industriels différe cependant.
Paysage lorrain (Varangéville) d'Henri Lalevée (1957)
Cette eau-forte nous donne à voir les infrastructures liées à l'exploitation du sel gemme à Varangéville. Comme dans les gravures précédentes, on constate une opposition entre le traitement graphique des éléments traduisant l'industrialisation (bâtiments, cheminées et chevalements) et la nature.
Varangéville
Cette oeuvre réalisée quatre ans après Paysage lorrain (Varangéville) sur le même thème, nous permet d'appréhender l'apport de l'aquatinte. Le sentiment d'oppression semble renforcé.
Paysage d'usine (1958)
Henri Lalevée semble ici privilégier le traitement formel de l'industrie au détriment de tout autre chose. Ce travail peut être rapproché de l'œuvre photographique de Bernd et Hilla Becher ou encore de l'épreuve d'Alexandre Vitkine Cleveland - Raffinerie et ville conservée au musée d'Art Moderne de Paris.