Contenu du Jean-Nicolas Houchard, le destin tragique d'un général sorti du rang

« Le misérable, il m’a traité de lâche! » : ce furent là les dernières paroles prononcées par le général Jean-Nicolas Houchard, en novembre 1793, aux termes d’un procès inique, qui ne lui a laissé aucune chance.

Qui était ce personnage que venait de condamner le tribunal révolutionnaire ?
Né à Forbach en 1738, au sein d'une vieille famille de la Lorraine allemande, le jeune Houchard s’engage à 17 ans comme simple soldat dans le régiment Royal-Allemand cavalerie. Il fait la guerre de Sept Ans, puis participe en Corse aux combats contre les redoutables insurgés menés par le fameux Pascal Paoli (1769). C’est au cours de cet épisode qu’il fut partiellement défiguré après une blessure au visage. Ce ne sera pas la première de toutes ses blessures… Remarqué pour sa conduite exemplaire, son courage, ses qualités d’entraîneur d’avant-garde, il devient capitaine. Il est chevalier de Saint-Louis en 1781.

Lorsque la Révolution éclate, il embrasse les idées nouvelles avec enthousiasme, voyant en elle l'alliance du patriotisme de la liberté et de l'égalité. Nommé lieutenant-colonel le 15 août 1792, il est sous les ordres du général en chef Custine lors des prises de Spire, Mayence et Francfort, où il fait preuve d'une bravoure sans limite. Colonel à la fin de 1792, puis maréchal de camp et général quelques mois plus tard, il est nommé commandant en chef de l'armée de la Moselle au printemps 1793. Après que Custine eut été destitué, Houchard devint généralissime de l'armée du Nord. C'est à cette occasion qu'il réussit à repousser la puissante armée menée par le duc d'York lors de la fameuse bataille de Hondschoote (8 septembre 1793). Malgré cette victoire qui redonne confiance au pays tout entier, Houchard est accusé de ne pas avoir pourchassé l'ennemi. On assimile cette décision d'abord à une négligence coupable, puis très vite à une « lâche trahison » (Billaud-Varennes). 

Mis en état d'arrestation, Jean-Nicolas Houchard est transferé à la Conciergerie le 7 novembre. Son sort était déjà fixé avant même le procès, qui eut lieu quelques jours plus tard. Le comte Beugnot en fait le récit dans ses Mémoires : devant le tribunal, Houchard se défend farouchement, et, lorsque le vice-président Dumas l'accuse de lâcheté, il déchire ses vêtements et, montrant sa poitrine labourée de cicatrices, s'écrie : « Citoyens jurés, lisez ma réponse, c'est là qu'elle est écrite » (Mémoires du comte Beugnot, ancien ministre, 1783-1815). Condamné à mort, Houchard quitta le tribunal avec ces mots à la bouche : « Le misérable, il m’a traité de lâche! ». Il fut guillotiné le 26 brumaire an II (25 novembre 1793).

Houchard illustre la situation tragique du guerrier "blanchi sous le harnois", véritable force de la nature, qui ne craignait jamais d'aller au contact de l'ennemi. Un guerrier dans lequel un pouvoir devenu tyrannique et aveugle n'aura pas su discerner l'un des plus vaillants soldats de la Révolution, mais aura au contraire couvert des plus abjectes accusations de trahison et de lâcheté, avant de l'envoyer à l'échafaud. Un tribunal absurde qui n'allait pas tarder à tomber lui-même sous les coups d'autres accusateurs...