Contenu du Une couleur redoutable et controversée

La luxure et l'enfer

 

Couleur du mal dans la religion chrétienne, le rouge est la colère, la tentation, la luxure, la destruction et l’enfer.

La luxure est un terme d'origine religieuse, qui désigne un penchant considéré comme immodéré pour la pratique des plaisirs sexuels. Elle peut aussi renvoyer à une sexualité sans vocation procréative, désordonnée ou incontrôlée. 

Dans la mythologie grecque, Aphrodite est la déesse de l’amour mais aussi de la luxure et du plaisir de la chair. Elle a de nombreuses relations extra-conjugales, notamment avec Arés, le dieu de la guerre, avec qui elle a eu  plusieurs enfants.

Dans la religion catholique, la luxure est l’un des sept péchers capitaux. Ce serait la faute d’Adam, qui a laissé Eve seule avec le serpent. Dans l’imagerie populaire, le fruit défendu est représenté par une pomme rouge. En fait, les fruits défendus selon le récit de la bible sont plusieurs. Le premier, le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, est planté au milieu du paradis terrestre. Le second fruit défendu serait celui de la vie selon les catholiques, la vie éternelle.

Dieu ayant interdit la consommation du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, le serpent tenta Eve qui en mangea d’abord et en fit manger à Adam. Dieu maudit le serpent qui représente le diable et décida l’expulsion d’Adam et Eve de l’Eden. Il les priva des fruits de l’arbre de vie et les rendit mortels.

Priver de l’éternité et du paradis, l’homme devra travailler pour se nourrir chaque jour et devra aussi gagner sa place au paradis. Après leur mort, les pécheurs iront en enfer et seront précipiter dans les flammes de Satan. 

De plus, selon saint Augustin, la punition divine est toute dans la honte éprouvée par Adam et Eve à la vue de leurs organes nus. Peu à peu, c’est plus le désordre lié à la sexualité que l’acte sexuel lui-même qui devient péché.

Dans l’imaginaire collectif, qui prend racine dans la Bible, Esaû, Lilith, Judas, Marie Madeleine, sont les mal aimés et toujours représentés avec des cheveux roux. Cette couleur porte en elle la symbolique négative du rouge. Peu nombreux et considérés comme différents, les roux, aux cheveux couleur de feu, ont mauvaise réputation et sont toujours rejetés, maltraités parfois même tués. 

Si le Moyen-Age voit surgir des personnages comme Erik le rouge ou Barberousse, le quotidien des roux reste semé d’embûches, voire bien pire. L’Inquisition n’a-t-elle pas torturée et envoyé au bûcher, nombre de femmes rousses au motif qu’elles étaient des sorcières ? Les taches de rousseur étaient considérées comme des marques du diable.  Un édit du XIIIème siècle va même obliger les prostituées à se teindre les cheveux de cette couleur, afin que les chrétiens sachent que c’est à l’enfer qu’une telle compagnie les promettait. 

Le carmin est dans l'histoire, à travers la littérature notamment, associé au sexe, à la sensualité et à l'amour. Les maisons closes ont toujours été éclairées par des lanternes rouges. L'univers rouge des courtisanes, les cabarets comme le Moulin rouge sont autant de lieux propices à la passion amoureuse et la séduction. Le rouge à lèvres existe depuis 5 000 ans, attirant les regards comme un appel au baiser. Il était d'ailleurs le produit cosmétique favori des prostituées au XXème siècle. Selon les époques, l’immoralité, la débauche, la lubricité, la dépravation, les orgies restent des péchés pour les diverses religions du monde et leur pratique généralisée supposent les signes d’une civilisation décadente.

Dès le XVIème les hommes s’habillent de moins en moins en rouge, ce sont les femmes qui progressivement vont pouvoir le faire : le rose reste le grand gagnant pour les filles, le rouge, la couleur de l’érotisme, de la passion et de ses dangers.

 

La décadence et la guerre

Décadence, ce mot est associé à la conviction  théologique, du grand coup de balai qui jettera le monde dans un abîme apocalyptique, d'où l'on espère voir sortir la régénérescence de l'humanité.

Au XVIème siècle, les morales protestantes partent en guerre contre le rouge dans lequel elles voient une couleur indécente et immorale, liée aux vanités du monde et c’est la couleur des papistes.  Pour les réformateurs protestants, le rouge se réfère au passage de l’Apocalypse où saint Jean raconte comment sur une bête venue de la mer, chevauchait la grande prostituée de Babylone vêtue d’une robe rouge. Par opposition, ils s'habillent de noir et rejettent la vie de luxe.

Les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse sont des personnages célestes et mystérieux mentionnés dans le Nouveau Testament, au sixième chapitre du livre de l'Apocalypse. Le deuxième cavalier de l’apocalypse représenterait la guerre et la couleur rouge de sa monture, le sang versé sur le champ de bataille. 

Couleur de la guerre et du pouvoir, la couleur rouge est omniprésente dans les uniformes des soldats, dans les scènes de combat et devient l’attribut des guerriers et par extension de la virilité. De tous les temps, sur les champs de bataille, on affiche des habits rouges et l’on se peint le visage en rouge pour être remarqué. Rouge est la couleur des Masai, peuple d'éleveurs d'Afrique de l'Est. Rouge est leur terre dont ils s'enduisent le visage et les cheveux. Rouge la couleur de leurs vêtements et le sang des boeufs dont ils se nourrissent. 

Dans le ciel, la planète Mars apparaît comme un astre rouge. Une couleur qu'elle doit à son sol composé essentiellement d'oxyde de fer. Dans l'Antiquité déjà, les Romains avaient constaté dans le ciel la couleur rouge si particulière de la quatrième planète du système solaire. Traduisant sa couleur comme le résultat du sang versé sur d'immenses champs de bataille, ils ont choisi de lui donner le nom de leur dieu de la Guerre.  Mars, le dieu de la guerre, certains prêtres et les centurions romains étaient vêtus de rouge.

Les Peaux rouges doivent leur appellation non à la couleur de leur peau mais à leurs peintures de guerre.

Les Tuniques rouges est le nom donné aux troupes de l’armée britannique de 1707 à 1914. Leur uniforme était un long manteau écarlate.

L’uniforme rouge sang a aussi provoqué la mort de milliers de soldats français. Le fameux pantalon rouge garance, tellement visible sur le champ de bataille que l’ennemi ne pouvait pas le rater.

La guerre entraîne la mort et le sang se répand sur les champs de bataille. Les soldats, les civils sont tués dans les combats et les bombardements par des éclats d’obus. Des incendies se déclarent partout.

Pendant la Grande Guerre, un phénomène étrange fut observé, le même d’ailleurs que celui observé cent ans plus tôt durant les guerres napoléoniennes. Sur les terres dévastées par les tirs d’obus, le long des tranchées et près des champs de bataille, fleurissait une fleur rouge sang, le coquelicot. Les deux guerres mondiales du XXème siècle, avec ses millions de morts, sont souvent comparées à l'Apocalypse.

 

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 La révolte et l'interdiction

Sur les drapeaux nationaux, le rouge est couramment utilisé pour symboliser la fierté et la force du pays. Il apparaît plus principalement pendant les périodes de conflit ou de guerre, et représente aussi le sang versé durant ces guerres.

La couleur rouge du drapeau français vient de ce que les rois de France, dans les heures de grand péril, brandissaient la bannière de saint Denis, rouge du sang du martyr. Cette tradition a été reprise par les Parisiens insurgés contre le roi Louis XVI, de sorte que le drapeau rouge est devenu le symbole mondial des luttes ouvrières, la couleur de la Révolution pour les droits de l’homme, puis celle du socialisme, du communisme, voire de l’extrémisme. 

Comment en est-il arrivé à être associé à certains partis et à certaines colorations politiques ? On peut trouver une première explication en remontant à la révolution française. En 1789 l’assemblée constituante décréta qu’en cas de trouble, un drapeau rouge serait placé aux carrefours de la capitale pour interdire les regroupements. En 1791, des citoyens se rassemblent sur le Champ de Mars pour demander la destitution du roi Louis XVI. La garde nationale agite alors un chiffon rouge pour encourager l’attroupement à se disperser avant les premiers heurts. Puis elle décide de tirer sur la foule. Le drapeau rouge, initialement perçu comme un signe pacifique devient, entaché du sang des morts, signe de danger et de martyr. Sa carrière politique est lancée.

De même le bonnet rouge, surtout porté par les sans-culottes pendant la révolutuin de 1789, devient l’insigne d’une classe, patriotique et révolutionnaire. Il symbolise le refus de la sujétion et la citoyenneté. Dès 1792, il est présent sur toutes les représentations de la liberté : statues, arbres, têtes...

Au XIXème siècle, le drapeau rouge devient l'étendart du peuple qui se révolte contre des gouvernements jugés trop conservateurs. emblème de luttes contre les inégalités sociales. Le rouge deviendra alors le symbole de la révolution en marche, et de celles qui suivront, la révolution de 1848, la Commune de Paris, la révolution bolchevique en 1917, la révolution chinoise de 1949. 

On peut citer aussi la croix gammée, le svastika qui etait un symbole de paix et qui aprés avoir subit un « nettoyage graphique », devient l’emblème du parti nazi. Le blanc représente le nationalisme, le rouge le socialisme et la croix gammée la « race aryenne ». Le nazisme, encore un symbole de mort et de sang, a imposé aux juifs de porter une étoile jaune et un triangle rouge aux déténus politiques souvent communistes. L’Affiche rouge est une affiche de propagande nazie. Cette affiche a été placardée sur les murs des grandes villes de France en février 1944. Elle annonce l’exécution d’un groupe de résistants. Dix membres du groupe Manouchian avec les photographies des condamnés associées, à des photographies d’attentats. L’affiche mentionne aussi un résistant communiste et le triangle rouge marque des prisonniers politiques des Nazis. 

Le terme rouge-brun désignerait une personne, ou une mouvance politique, susceptible de prôner des valeurs hybrides résultant d'un mélange entre celles de l'extrême-droite nationaliste (le brun) et l'extrême-gauche communiste (le rouge).

La force idéologique du rouge est telle qu’on le retrouve dans de nombreuses expressions, Octobre rouge, l'armée rouge, les khmers rouges, le Petit livre rouge de Mao ou encore les Brigades rouges. Restée révolutionnaire, cette couleur se placera tout naturellement à l’extrême gauche de l’échiquier politique et sera repris par de nombreux partis et syndicats. Le parti socialiste français a choisi le symbole du poing tenant une rose. Les communistes se le sont approprié, se qualifiant eux-mêmes de "Rouges"

Toujours dans l'ambivalence, le rouge devient aussi symbole de l'interdit et du danger.  Le marquage au fer rouge pour punir, les décisions de justice sont enregistrées sur "le livre rouge", la robe rouge du juge. Il représente  la sanction et la correction avec par exemple le stylo rouge du professeur ou le carton rouge dans différents sports.

Le rouge est la couleur que l’œil humain perçoit le plus rapidement, c’est pour cela qu’elle est utilisée pour fond des panneaux de signalisation, les panneaux d'interdiction, le feu rouge, le camion de pompiers, la bande rouge des emballages de médicaments dangereux...

On le voit, couleur idéologique, le rouge a porté de nombreux messages au fil des siècles passés et surtout les espoirs de milliers d'hommes, espoir d'égalité, de liberté et de solidarité. 

Mais de quels rouges sera fait le XXIème siecle ?