Contenu du Le comité directeur de l'École de Nancy

À sa création en 1901, le comité directeur de l'École de Nancy regroupe trente-six membres.
Émile Gallé est nommé président du comité directeur et de l'association. Cette nomination réaffirme son rôle dans le renouveau des arts décoratifs lorrains et son implication dans la reconnaissance du mouvement Art nouveau nancéien. Les vice-présidences sont confiées à Antonin Daum, Louis Majorelle et Eugène Vallin. Si les deux premiers dirigent une industrie d'art, le troisième revendique son statut d'artisan d'art.
Un registre des adhérents de l'association (collection particulière) atteste de la présence de personnalités et d'acteurs nancéiens, lorrains et parisiens. Le profil des adhérents est divers, composé principalement d'artistes, d'industriels d'art, mais également de journalistes, de critiques, d'architectes, de professeurs d'université et d'écoles d'art. Lucien Wiener, conservateur du Musée Lorrain, est membre de cette association. D'autres professions sont aussi représentées : ingénieurs, avocats, un pharmacien et un médecin. Plusieurs femmes sont aussi membres mais il s'agit essentiellement des épouses des créateurs nancéiens.
Si la création témoigne d'une ambition commune, elle se situe néanmoins dans un contexte délicat marqué par des rivalités et la concurrence de certains des principaux protagonistes. A l'issue de l'Exposition universelle de 1900, Émile Gallé connaît quelques difficultés financières et se trouve ainsi particulièrememnt attentif aux dernières réalisations de Daum et Majorelle, devenus ses principaux concurrents dans le domaine du verre et du bois. C'est donc à son crédit d'avoir continué malgré tout, dans ce climat difficile, le développement de cette alliance et la mise en oeuvre des actions de l'École de Nancy.

Suite au décès d'Émile Gallé, Victor Prouvé est choisi comme président de l'association en décembre 1904. Ce dernier n'étant pas industriel d'art, les statuts doivent être modifiés pour permettre sa nomination à la présidence. Prouvé est cependant un proche du chef de file, ayant collaboré à plusieurs reprises au décor de verreries et de meubles de Gallé. Il tente de développer les activités en créant un partenariat avec les manufactures d'art locales mais le contexte auquel il fait face ne lui permet pas de défendre les principes chers à Gallé.
Dès 1901, le président fait part dans un courrier (collection particulière) des difficultés rencontrées dans la création de l'association :

Que de difficultés de toutes sortes à vaincre ! Inimaginable ! A peine mise bas, cette pauvre École a inquiété tout le monde depuis celles des Beaux-Arts ici jusqu'aux Directions du Ministère de L'Instruction publique et des Beaux-Arts. Entrevue avec ministre, directeur de l'enseignement supérieur pour calmer, rassurer, obtenir un peu d'argent, de la tolérance, beaucoupe de liberté.

Contenu du Le comité directeur de l'École de Nancy
Contenu du Le comité directeur de l'École de Nancy

Émile Gallé, président
(Nancy, 1846 - 1904)


Émile Gallé naît à Nancy le 4 mai 1846. Il est le fils unique de Charles Gallé (1818-1902) et Fanny Reinemer (1828-1891) qui tiennent un commerce de cristaux et porcelaine à Nancy. Après une période d'apprentissage dans différentes villes d'Europe, il est associé à l'entreprise familiale : il la représente à l'Exposition universelle de 1867 à Paris où il obtient une mention honorable pour la verrerie. La même année, il en devient le directeur artistique. Il épouse en 1875 Henriette Grimm (1848-1914), fille d'un pasteur alsacien, avec laquelle il aura quatre filles.
En 1877, Émile Gallé reprend à son compte l'affaire familiale et étend ses activités à l'ébénisterie en 1885. Il est consacré à l'Exposition universelle de Paris en 1889 par trois récompenses pour ses céramiques, verreries et son mobilier (dont un Grand Prix pour le verre). A cette occasion, il est fait officier de la Légion d'Honneur. A partir de cette date, il développe intensément ses recherches techniques et esthétiques sur le travail du verre, domaine dans lequel il crée de nouveaux procédés de fabrication. Ses verreries sont conçues à Meisenthal jusqu'en 1894, date à laquelle il ouvre une cristallerie dans sa manufacture à Nancy.
Son oeuvre, aux multiples références, exprime la diversité de ses intérêts : la nature y joue un rôle dominant mais non exclusif. Artiste mais aussi botaniste, il est élu secrétaire de la Société Centrale d'Horticulture de Nancy en 1877. Ses engagements patriotiques et politiques trouvent leur forme la plus aboutie aux Expositions universelles de Paris en 1889 - avec des pièces évoquant la situation de sa région natale divisée par l'annexion allemande en 1871 - puis de 1900 avec des oeuvres témoignant de son engagement en faveur de la réhabilitation de Dreyfus.
Engagé très tôt dans le renouvellement des arts décoratifs, Gallé diffuse, dans ses points de vente à Paris, Francfort et Londres, des pièces de série de qualité grâce à l'industrialisation de sa production, à côté de la création d'oeuvres uniques ou de commandes.
A son décès en 1904, sa veuve Henriette - secondée par son gendre Paul Perdrizet (1870-1938) - reprend l'activité artistique et industrielle de la verrerie. Elle publie en 1908 les Ecrits pour l'art qui rassemblent les principaux textes de son mari sur la botanique, la floriculture, ainsi que toutes ses notices d'exposition, ses discours et plusieurs articles sur l'art et les artistes. Les Établissements Gallé arrêtent leur production verrière et ferment leurs portes en 1931.

Victor Prouvé, second président
(Nancy, 1848 - Sétif, 1943)


Né dans un milieu de dessinateurs en broderie, Victor Prouvé fréquente l'école de dessin de Nancy de 1873 à 1877, puis étudie à l'École des Beaux-Arts de Paris jusqu'en 1882 dans l'atelier d'Alexandre Cabanel.
D'abord peintre portraitiste et paysagiste, il est aussi sculpteur, graveur, travaille le cuir et le métal, donne des dessins de broderies et de bijoux, et collabore avec de nombreux artistes et industriels de l'École de Nancy. Il réalise également de nombreux menus, programmes, vignettes, affiches et illustrations d'ouvrages.
Ses envois aux Salons de Nancy et Paris lui valent une reconnaissance nationale et lui amènent de nombreuses commandes publiques et privées. Il décore ainsi de grands panneaux décoratifs la salle des fêtes de la mairie du XIe arrondissement de Paris et l'escalier de la mairie d'Issy-les-Moulineaux. Avec Émile Friant, il reçoit la commande du plafond de la Préfecture de Meurthe-et-Moselle et réalise pour l'Hôtel de Ville de Nancy, en 1891, douze médaillons symbolisant les mois de l'année.
Prouvé révolutionne l'art de la reliure avec Camille Martin et le relieur René Wiener en mêlant techniques anciennes et modernes, dans une composition nouvelle où une même scène illustre l'intégralité de l'ouvrage.
En 1898, il épouse Marie Duhamel avec laquelle il aura sept enfants dont Jean et Henri Prouvé.
De 1919 à 1940, il est directeur de l'École des Beaux-Arts de Nancy, sans abandonner une carrière personnelle féconde. Ainsi, il réalise dix panneaux, sur le thème des arts et industries lorraines, présentés dans le pavillon de Nancy et de l'Est de la France à l'Exposition des Arts décoratifs et appliqués de 1925 à Paris.

Contenu du Le comité directeur de l'École de Nancy
Contenu du Le comité directeur de l'École de Nancy

Louis Majorelle
(Toul, 1859 - Nancy, 1826)


L'histoire de l'entreprise familiale débute avec le père, Auguste Majorelle. Après avoir eu un magasin à Toul, celui-ci s'installe à Nancy en 1860 où il ouvre un commerce de meubles et objets d'arts. Fils aîné, Louis Majorelle suit des cours à l'École des Beaux-Arts de Nancy puis est admis à celle de Paris en 1877. Deux ans plus tard, le décès de son père l'oblige à revenir et reprendre l'entreprise aux côtés de sa mère.
Le magasin est installé au 26 rue Saint-Georges. Durant plusieurs années, Majorelle se forme auprès des ouvriers de son père, ce qui lui assure une solide connaissance pratique. Il peut ainsi prendre la direction artistique de la maison Majorelle. Ses meubles sont récompensés d'une médaille d'argent lors de l'Exposition universelle de Paris en 1889.
En 1885, il épouse Jane Kretz (1864-1912). Leur fils unique Jacques naît l'année suivante.
En 1894, il s'oriente vers le décor marqueté à références naturalistes et symbolistes. Il développe une production de meubles à deux niveaux : le mobilier de luxe et celui à bon marché de série.
En 1897, il fait construire ses ateliers à Nancy par Lucien Weissenburger. Le travail du métal y est développé pour la réalisation des bronzes ornant le mobilier, mais aussi pour les luminaires en collaboration avec Daum et pour des éléments d'architecture (rampes d'escalier, garde-corps...).
Cette même année, il collabore pour la première fois avec Henri Sauvage pour l'ameublement et la décoration du Café de Paris. Il fera appel au jeune architecte pour la construction de la Villa Jika - ou Villa Majorelle - dont le chantier débute en 1901.
Ses multiples activités l'amènent à ouvrir de nombreux magasins d'exposition, notamment à Paris, Lyon, Lille, Oran et Alger.
A l'Exposition universelle de Paris en 1900, Majorelle est membre du jury pour sa catégorie. Il y présente, entre autres, l'ensemble de mobilier aux nénuphars, associant acajou et bronze doré qui lui apporte une reconnaissance nationale.
En 1916, les bombardements détruisent les magasins et les ateliers de Nancy, ainsi qu'une partie de la Villa Jika. Il décide de s'installer à Paris. Quelques années plus tard, il crée des verreries cloisonnées en collaboration avec la manufacture Daum.
Louis Majorelle décède en 1926. Son frère Jules reprend la direction administrative de la société Majorelle et la direction artistique est assurée par Alfred Lévy, fidèle collaborateur de l'entreprise depuis 1888 où il y est entré comme décorateur. Le magasin de la rue Saint-Georges ferme en 1951 et les ateliers cessent toute activité cinq ans plus tard.

Antonin Daum
(Bitche, 1864 - Nancy, 1930)


Fils de Jean Daum, notaire à Bischwiller, en Alsace, son père arrivé en 1876 acquiert en 1878 la verrerie Sainte-Catherine, au bord de la faillite. Il y associe ses deux fils : Auguste, formé au métier de notaire, à partir de 1879, et Antonin en 1887.
Diplômé de l'École Centrale de Paris, il se consacre à la verrerie, s'intéressant notamment au renouvellement des formes et des décors des pièces.
Le caractère de gestionnaire d'Auguste et le talent créatif d'Antonin vont donner à l'entreprise une nouvelle dimension économique et artistique. Vers 1891, Antonin Daum crée un département artistique au sein de la manufacture qui produit de la gobeleterie et des verres de montre. De plus en plus prisée, la production de cet atelier ne cesse de croître, soutenue et développée par des collaborateurs de talent : le peintre-verrier Jacques Gruber, le décorateur et illustrateur Henri Bergé ou encore Amalric Walter qui introduit la technique de la pâte de verre.
Les pièces réalisées s'inscrivent pleinement dans l'inspiration naturaliste de l'École de Nancy. Dès lors, l'entreprise Daum participe pratiquement à toutes les Expositions universelles. Les distinctions qu'elle y remporte assurent sa notoriété : en particulier le Grand Prix reçu à Paris en 1900. C'est dans ce cadre que sont réalisées certaines pièces exceptionnelles, parallèlement à la production courante qui combine, selon les désirs de la clientèle, toute une gamme de décors et de formes prédéfinis.
Antonin Daum joue un rôle important lors de l'Exposition internationale de l'Est de la France à Nancy en 1909. Il assure après 1918 l'adaptation de la firme aux nouvelles conditions de production, soucieux d'y maintenir qualités techniques et orientation esthétique davantage qu'utilitaire.
Après son décès en 1930, la manufacture est reprise par les membres de la famille Daum. Il s'agit de la seule entreprise École de Nancy encore en activité.

Contenu du Le comité directeur de l'École de Nancy
Contenu du Le comité directeur de l'École de Nancy

Eugène Vallin 
(Herbéviller, 1856 - Nancy, 1922)

Formé dans l'atelier de son oncle entrepreneur de menuiserie, Eugène Vallin apprend la sculpture sur bois et le modelage auprès de Charles Pètre à l'École municipale de dessin de Nancy. Il prend la succession de son oncle en avril 1881.
Devenu créateur de mobilier, il travaille uniquement sur commande. C'est d'ailleurs ce refus d'industrialiser sa production qui le différencie des ébénistes comme Gallé ou Majorelle. En plus des meubles, il réalise des salles à manger, des salons, des bureaux pour les plus grands mécènes de Nancy : Corbin, Masson, Bergeret, Kronberg...
Après une production de mobilier religieux d'inspiration gothique, l'artiste fait évoluer son art en se servant de sa double expérience de constructeur et de sculpteur-ébéniste. En collaboration avec l'architecte Georges Biet, Eugène Vallin réalise quelques bâtiments d'inspiration moderne, notamment sa propre maison boulevard Lobau en 1895, première manisfestation de l'Art nouveau dans l'architecture nancéienne. Il est également l'auteur, en 1896, de la porte des ateliers d'ébénisterie de Gallé, conservée dans le jardin du musée de l'École de Nancy.
En 1909, il est l'auteur, en collaboration avec Victor Prouvé, du pavillon de l'École de Nancy à l'Exposition internationale de l'Est de la France qui a lieu à Nancy.
Il décède à Nancy en 1922.